Éducation : rencontre avec sœur Marguerite, créatrice des écoles spéciales

Mercredi 6 Octobre 2021 - 13:32

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À l’occasion de la rentrée scolaire 2021-2022 au Congo, la rédaction des Dépêches de Brazzaville à Paris a rencontré sœur Marguerite Tiberghien dans sa résidence de la rue Bac.

Sœur Marguerite, créatrice des écoles spéciales, Paris le 05 octobre 2021Le pas trébuchant mais l’œil encore vif, son éternel sourire jovial de mise, la religieuse française des Sœurs de Saint Vincent de Paul, sœur Marguerite, 95 ans cette année, est apparue détendue, prête à aborder, piochant dans la foule de ses souvenirs, ses années intensives du démarrage du modèle conceptuel des écoles spéciales créées par ses soins au Congo Brazzaville.

Elle s’est souvenue que ce concept mis en place en 1974, ouvert gratuitement aux exclus du système scolaire : enfants et jeunes déscolarisés, adultes illettrés et handicapés, s’appuyait sur quatre principes de base : l’accueil des exclus de l’enseignement primaire ; la coexistence de quatre sections : A pour adultes – J pour jeunes jusqu’en CM – T pour technique – SP pour section pratique ; la gratuité avec participation libre, et la gestion d’un Comité d’entraide.

Cet ensemble scolaire était soutenu par une organisation administrative, en appui d’une gestion communautaire, ou dite associative, et un Conseil d’administration ouvert aux personnalités extérieures qui ont apporté le financement pour assurer la gratuité.

Puisqu’il s’agissait de l’éducation et des finalités à atteindre, une organisation pédagogique avait été mise en place, afin de veiller à la bonne conduite durant chaque année scolaire. En parallèle, un système de parrainage au profit des élèves démunis permettait leur soutien.

"Nous avons commencé dans une salle qui n’était pas une classe", s’est étonnée, en toute modestie, la religieuse, ne pensant pas qu’un jour ce concept prendrait autant d’ampleur. Son rêve désormais est de vouloir contrôler si ces principes de base demeurent encore au Congo.

" Notre trouvail était d’assurer l’apprentissage de la lecture par la méthode syllabique mimée avec des gestes. Nous avions, pour chaque lettre de l’alphabet, une histoire accolée. Par exemple, celle de la lettre A, c’est l’histoire d’une jeune fille qui s’appelle Anne qui s’émerveille et exprime sa joie avec un énorme sourire devant la robe achetée par sa mère. La classe s’interroge : pourquoi Anne est contente ? Elle est contente parce que sa mère lui a acheté une belle robe. S’en suit l’exclamation Ah " , a expliqué sœur Marguerite.

Cette inspiration de la mise en place de cette méthode lui a été dictée à la suite de la méditation du psaume suivant : “Seigneur, éternel est ton amour. N'arrête pas l'œuvre de tes mains.”

Avec les mains, elle a permis aux élèves de savoir lire et instituer la lecture comme étant le passeport de la bonne évolution de chacun. Autrement, elle s’insurge en s’indignant qu’on ne peut pas laisser grandir quelqu’un sans qu’il sache lire. C’est à cause de cet illettrisme que certains des élèves qui ne savaient pas encore lire devenaient des menteurs. Par la suite, ayant réussi leur apprentissage de la lecture, ils acquéraient une assurance et se sentaient fiers, dotés désormais de cette fierté de soi nécessaire à tout un chacun.

À propos de la fierté retrouvée, sœur Marguerite a multiplié les témoignages. Elle évoque le souvenir de cette jeune fille qui refusait de mettre le tee-shirt floqué « école spéciale » pour le seul motif qu’elle avait dit à ses proches qu’elle était au lycée. Pour ne pas l’humilier, dérogation avait été faite pour qu’elle ne porte pas le tee-shirt ; mieux encore, et de ce fait, les sections étaient devenues dorénavant le nom de chaque classe : classes A, J, T et SP. Autre témoignage de ce jeune arrivé analphabète à l’école et qui avait enfin réussi à lire. Il avait pris les deux mains de la sœur Marguerite en lui susurrant une rafale de mercis.

S’adressant aux élèves et étudiants congolais, son message se résume par un symbole, celui de la main du bon élève : " Tout comme les cinq doigts de la main : en premier, disposer d’un bon professeur ; ensuite, avoir le courage de travailler; entretenir l’amitié dans la classe / éviter les moqueries ; veiller à la propreté dans l’école et enfin, lutter pour la vérité / admettre ses faiblesses au lieu de les cacher ; pas d’évolution si on ne sait pas lire ".

Et de conclure : " Plus, il y aura de femmes et d’hommes conscients de la richesse de la lecture, mieux ça ira ! C’est par l’apprentissage de la lecture pour tous que le Congo rendra la fierté aux populations, ôtant, au passage, le mépris de l’autre".

Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Sœur Marguerite, créatrice des écoles spéciales, Paris le 5 octobre 2021 Crédit photo : Marie Alfred Ngoma

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