Evocation : le meurtre des policiers à Pointe-NoireJeudi 18 Novembre 2021 - 18:45 Dans l’après-midi du 27 juin 1967, le président Alphonse Massamba-Débat et le Premier ministre Ambroise Noumazalay se rendirent au camp Lénine, à l’entrée sud de Brazzaville, sur la rive gauche du Djoué. Revenus des émotions du 27 juin de l’année précédente durant lesquelles le régime avait vacillé, les deux dirigeants étaient venus témoigner leur reconnaissance à la loyauté des éléments du Corps national de la défense civile. L’occasion était belle pour le commandant de cette force milicienne, bras armé du régime, de vanter ses hommes. Ange Diawara ne s’en priva pas. Cependant, sur l’article de la discipline, il ne put faire l’économie d’un grave événement survenu en février dans la ville de Pointe-Noire qu’il qualifia aussitôt « de regrettable incident ». Au lendemain de la chute de l’abbé Fulbert Youlou, le 15 août 1963, une effervescence révolutionnaire s’était emparée de la jeunesse. Marginalisée, sans horizon lisible pour son avenir, la jeunesse citadine à Pointe-Noire et Brazzaville croyait dur comme fer au nouveau départ que le pays venait de prendre. Cet engagement se manifesta tout particulièrement en février 1964 lorsque des nostalgiques de l’ancien régime donnèrent de la voix à Bacongo. A coups de barre de fer, la jeunesse révolutionnaire les dispersa et s’imposa comme la gardienne du changement en cours dans le pays. Plus tard, à l’occasion d’un congrès des forces révolutionnaires en juillet de la même année, les gardiens de la révolution devinrent la Jeunesse du mouvement national de la révolution (JMNR). Des missions de police, de gardienne de la révolution et de sauvegarde de l’intégrité nationale furent assignées à cette JMNR. Des années passeront. Après l’effondrement du régime qu’elle soutenait, des esprits avisés pointeront comme une tragique erreur la mission de police qu’on confia à la JMNR. La majorité de ses membres était analphabète, issue des couches du lumpenprolétariat. Donner à ces jeunes gens l’ordre de régenter les quartiers revenait à ouvrir la porte de l’arbitraire tout en portant un sévère coup au prestige de la révolution. C’est ce qui se produisit. Dans les quartiers, les éléments de la JMNR se signalaient dans le sordide, le mesquin. Mitraillettes en bandoulière, ils descendaient dans les quartiers régler leurs problèmes domestiques et semaient la terreur à la moindre altercation avec des voisins. On apprit, au fur et à mesure, à les regarder sous un angle peu reluisant : la JMNR, faisait-on observer dans les quartiers, était un corps d’individus dangereux attachés à des intérêts terre à terre. Dans les deux principales villes du pays, Brazzaville et Pointe-Noire, ce sentiment était largement partagé dans la population avant la chute du président Massamba-Débat. A Pointe-Noire, notamment, l’immixtion de la JMNR dans la question du maintien de l’ordre déboucha sur une hostilité affichée entre le corps de la police et les JMNR. Les gendarmes ne mâchaient pas non plus les mots pour dire leur frustration sur la conduite de cette jeunesse révolutionnaire. La police et la gendarmerie apparaissaient dans la langue fleurie des jeunes révolutionnaires comme des forces rétrogrades, suppôts du néo colonialisme qui conspiraient contre la révolution. Ils les haïssaient et menaçaient de les écraser. Pendant la retraite aux flambeaux, sur la place Patrice-Lumumba, ils juraient sur l’éternité et sur leur toute puissance : « Nous irons jusqu’au bout du monde, « La JMNR ne faillira pas. « La JMNR, oui ! oui ! « La JMNR, non ! non ! « La JMNR ne faillira pas ! » Au commissariat de la Cité, sise place Patrice-Lumumba, les policiers n’avaient que du mépris pour les jeunes révolutionnaires. Ils les tenaient pour une bande de récidivistes. Beaucoup de ces jeunes avaient déjà senti le fond insoutenable de leurs géôles avant d’embrasser la cause révolutionnaire. (A suivre)
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