Libre union : les coulisses des « amours interdits »

Jeudi 3 Mars 2022 - 18:38

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Incompris et reniés au sein de la famille, des hommes et femmes homosexuels préfèrent vivre dans le silence pour ne pas heurter leur entourage. Les plus courageux osent faire des coming out, mais à quel prix !

 

 

 

 

Faire le deuil de leur famille ou vivre dans le mensonge pour ne pas faire de peine à leur entourage, telles sont les deux options auxquelles les homosexuels sont confrontés. « La plupart des gens pensent que quand deux femmes s'aiment, c'est forcément contre nature... Dès lors, on a été obligé de cacher notre relation », s’insurge Nathalie qui a pris conscience de son homosexualité alors qu'elle était en classe de terminale. « Au départ, j'avais très peur, je n'osais pas le dévoiler de peur d'être jugée. C'est lors d'un match de football, au stade Massamba-Débat, que j'ai fait la connaissance de mon amie avec qui nous vivons depuis deux ans, loin de nos familles respectives pour ne pas éveiller les soupçons », souligne la jeune fille qui dit être prête à se battre pour cet amour.

Ce n'est pas le cas de Julie qui hésite encore à annoncer la nouvelle à sa famille, surtout à sa mère. « Si je révèle à ma mère mon homosexualité, je pense qu'elle va en mourir car elle ne cesse de me demander quand est ce que je lui présenterai mon ami. Lui dire que j'aime une femme, surtout que je suis la seule fille de la famille, je ne pense pas qu'elle s'en remettra », a fait savoir Julie qui espère trouver la force d'en parler à son entourage.

De son côté, Sonia saute le pas à l'âge de 26 ans. « Ma première rencontre amoureuse, je l'ai faite dans le milieu des artistes. Cela s'est fait le plus naturellement possible. Je me sentais enfin vivre car je me sentais comprise. Cependant, j'avais peur qu'on découvre mon secret et je vivais cet amour dans les remords puisque l'église le condamnait. Mais chaque fois que je décidais d'arrêter, rebelote, je retombais dans le piège et à un moment de ma vie, cela m'a vraiment affectée et j'ai fait une tentative de suicide », a indiqué cette dernière. Elle a finalement pris le courage d'en parler à sa sœur qui l'a malheureusement rejetée ainsi que toute sa famille, sauf sa mère qui vient la voir en cachette avec des hommes de Dieu pour la prière. « Elle espère que je revienne à la raison comme elle le dit, mais je me suis construite une nouvelle vie, exempte de ma famille », déclare la jeune femme.

Une pratique bannie en Afrique

Si en Europe l'homosexualité est plutôt bien accueillie, en Afrique, et particulièrement au Congo Brazzaville, cette pratique est considérée comme une offense à la tradition mais aussi un péché du point de vue de la religion. « C'est une chose que je ne peux accepter, si un de mes enfants m'annonçait son homosexualité, je coupe les ponts, ce sont des relations contre nature. Et qui perpétra ma descendance ?», s’interroge José, fulminant.

Même son de cloche pour maman Philo. « C'est encore quelle mode que hommes et hommes se marient et même chose pour les femmes?  Vraiment cette génération est trop matérialiste. Pour remplir leurs poches, ils se livrent à des pratiques sales », a fait savoir cette dernière. Et lorsqu'on lui demande si l'une de ses filles lui annonçait son homosexualité, celle-ci répond d'une manière ferme. « Je touche du bois, que Dieu m'en préserve », fait - elle savoir en exécutant le signe de la croix.

Si l'homophobie s'arrêtait dans les familles, beaucoup s'en porteraient mieux comme l'a indiqué Hardy. « Malheureusement, l'homophobie existe jusque dans les lieux de travail. Donc je fais attention à ne pas me dévoiler devant mes collègues pour ne pas être un sujet de railleries », a fait savoir ce dernier dont l'ami a été obligé de démissionner, dans la mesure où il était victime de moqueries au quotidien.

Pour sa part, Jules a décidé de ne plus aller à l'église. « Ma mère est responsable à l'église protestante et quand je lui ai appris mon homosexualité, elle m'a demandé de suivre un programme de prières ou j'ai subi une série de délivrances qui m'ont profondément affecté sur le plan physique. Je ne vous parle pas des potions que j'ai dû ingurgiter et des jeûnes qui m'ont provoqué des maux d'estomac. Résultat, je me suis retrouvé au CHU bien malade », a fait savoir ce dernier qui avoue n'avoir pas été désenvouté pour autant de l'homosexualité.

Un effet de mode à ne pas encourager

Selon la majorité des Congolais interrogés à ce sujet, le schéma familial a toujours été constitué d'une figure paternelle et maternelle, et pour beaucoup, l’homosexualité reste un effet de mode qui ne devrait pas être régularisé. « C'est une chose d'être homosexuel et encore pour moi, on ne devrait pas tolérer cela, mais leur permettre d'adopter les enfants, je ne l'accepte pas. Et la Bible dit, "multipliez-vous!". Comment voulez-vous que deux femmes ou deux hommes se multiplient ? Et pourquoi se cachent-ils s'ils trouvent que ces relations sont normales ? », se questionne Ghislain qui estime que légaliser l’homosexualité reviendrait à « encourager la dépravation des mœurs et fouler aux pieds nos traditions ».

Plus conciliante, Aïchatou Djibrilia, abusée sexuellement dans son enfance par les membres de sa famille, pense que ce dysfonctionnement sexuel des personnes dites homosexuelles remonte à leur enfance.  Aïchatou est convaincue que " personne ne naît homosexuel, il y a forcément quelque chose qui a créé en eux un dysfonctionnement sexuel à un moment de leur vie".

Pour sa part, un pasteur de la place qui a requis l'anonymat pense que les églises ne devraient pas les rejeter, mais plutôt les aider à sortir de cette condition.                                                                                                                                                                                                 

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

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