Evocation : le revenant de Ngatali (7)Jeudi 17 Mars 2022 - 18:55 Sous la lumière des torches, les villageois et l’agent de S. se dirigèrent vers l’endroit où se trouvait le mort. Quelqu’un hasarda :
On fit rapidement taire le bavard : son allusion aux viscères arrachés et à la crémation des corps en Europe était effrayante et hors de propos. Jean Pierre marchait devant le groupe des villageois, il rompit le silence et s’inquiéta :
La question sema la confusion chez les villageois. Ils se rendirent compte qu’ils parlaient d’un mort comme s’il s’agissait d’une personne vivante. L’un d’eux alla droit au but :
De plus en plus perplexes, les villageois avancèrent en silence. Ils n’étaient pas au bout de leur surprise. La scène macabre qu’ils découvrirent les enfonça plus profondément dans la confusion. Sous la lumière des torches gisait un individu entièrement voilé de noir, le visage recouvert d’un masque blanc en plastique. Des fentes pratiquées au niveau des deux yeux, de la bouche et des narines donnaient un aspect lugubre au masque plaqué sur le voile noir. Cet aspect sinistre provoqua un mouvement de recul parmi les villageois. Cependant, poussés par la curiosité, ils se résignèrent à s’approcher du cadavre dont les taches de sang maculaient le thorax. A côté du corps se trouvaient un gourdin en bois bosselé, une branche aux feuilles touffues arrachée à un manguier et trois anneaux métalliques reliés par un fil et une clochette. Un peu plus loin gisait un chien à côté d’un petit seau métallique peint en blanc. Le seau était renversé : on devinait facilement son contenu : des taches de sang d’un gigot d’antilope fraîchement dépecé étaient visibles sur ses parois. Jean Pierre se mit à tonner en indiquant l’ustensile :
Il bouillonnait de colère devant les habitants de Bwanga hébétés. Les détails de la scène de crime ramenèrent certains d’entre eux à la réalité. Une piste se dessina très rapidement. L’ustensile ayant transporté le gigot de viande appartenait à Mbongo Tchongui. On affirma qu’à la fin du marché, au moment de revenir à Bwanga, il s’était partagé avec d’autres veinards des quartiers d’une antilope qu’un chasseur venait tardivement de mettre à la vente. Il avait ramené cet achat dans cet ustensile avec son couvercle. Sur ce point, affirmait-on, nul doute n’était permis. Seul Tchongui était le propriétaire de cet ustensile au quartier Bwanga. Le pas suivant fut pourtant difficile à franchir. En effet, personne ne se hasarda à conclure que la dépouille mortelle voilée et masquée couchée dans les herbes était celle de Mbongo Tchongui. Les habitants étaient atterrés par les outils qu’ils avaient retrouvés à côté du corps de l’inconnu. Les anneaux métalliques, la clochette, la branche aux feuilles touffues, le gourdin et le voile noir rehaussé d’un effrayant masque blanc étaient dans leur imaginaire des outils de travail des revenants. Ils ne comprenaient pas le lien que pouvait avoir Tchongui avec les outils de travail du diable. Déjà, certains avaient constaté son absence dans le groupe qui avait accouru au bruit des coups de feu. Ils étaient consternés. Il eut un moment de flottement. Certains voulaient requérir la présence du chef du village avant de découvrir le visage du mort masqué. Or, il fallait aller le chercher au quartier Ickinga envahi par des danses nocturnes liées à la fête du jour du marché. D’autres proposèrent d’en finir tout de suite. Ils se justifiaient en disant :
L’agent Jean Pierre reprit :
Deux volontaires accompagnèrent le Français chercher le chef du village. Ce dernier et d’autres gens exigèrent de voir la scène de crime. Sans rien toucher, on fit une ceinture de sécurité autour du mort et de ses outils. Plusieurs villageois acceptèrent de garder les lieux. Puis, la jeep de la société S. s’ébranla vers P.
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