Témoignages : le calvaire de la veuve après le décès du conjoint

Jeudi 28 Avril 2022 - 18:55

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Maltraitée tout au long de la veillée mortuaire par la belle famille, la veuve, encore sous le choc et la douleur d'avoir perdu son conjoint, redoute déjà son expulsion de la maison familiale et la peur de se retrouver dans la rue avec ses enfants, sans aide de la famille du défunt. Quelques femmes nous racontent ce parcours où elles n’ont eu d'autres choix que celui de se taire et de subir, vu qu’elles n'avaient pas les armes pour se défendre.

Après l'enterrement de mon mari, je suis tombée des nues. C'était tellement choquant que j'en ai encore les larmes vingt ans plus tard ”, avance Elisabeth, la voix enrouée. “Après la cérémonie d'inhumation de mon mari, ni mes enfants ni moi n'avons eu accès à la parcelle. Mes parents sont entrés en pourparlers avec ma belle famille pour récupérer les papiers administratifs et quelques vêtements, mais ceux-ci ont campé sur leur position”, a fait savoir maman Eli.

Perdre son père et ne plus avoir accès à sa propre maison, c’est une douleur indescriptible. Les personnes que nous côtoyons depuis notre enfance sont devenues du jour au lendemain nos ennemis. Cela nous avait vraiment déboussolé, puisque par la suite nous avons été séparés et répartis au sein de ma famille maternelle et celle-ci ne manquait pas de nous rappeler que du vivant de notre père, on ne les fréquentait pas ”, a expliqué Gina, cadre dans une grande banque de la place qui renoue peu à peu les liens avec sa famille paternelle au détriment de son frère et de ses sœurs. “Avec le temps, j’ai réussi à faire table rase, j’ai revu quelques tantes, mais franchement, elles sont des étrangères pour moi. Mon frère et mes sœurs n 'y arrivent pas et je ne peux pas les en vouloir car on est passé par des moments vraiment difficiles”, a indiqué cette dernière.

Même son de cloche pour Julie, qui a été expulsée sans ménagement de sa maison avec ses enfants juste après l'inhumation de son mari. Le plus triste, dit-elle, “ce sont des femmes qui sont à l'origine de ces ignobles pratiques. Elles n’ont aucune compassion et s’acharnent sur vous comme si elles vous en voulaient depuis un moment. J'ai voulu aller en justice mais ma mère m’a priée de ne pas le faire, prétextant que ma belle famille pourrait s’attaquer à mes enfants comme l’a été sa voisine qui a perdu cinq de ses enfants après avoir obtenu  les biens de son mari à la justice. A quoi cela me servirait-il de récupérer des biens si je devais perdre mes enfants ? Alors j’ai tout abandonné ”.

Des cas récurrents qui découragent très souvent les femmes à vouloir se battre pour obtenir justice, notamment lorsque celles-ci travaillent. Elles préfèrent tout abandonner pour se protéger, a fait savoir Rockya Kimani, assistante sociale et conseillère conjugale. Si l’assistante comprend clairement ces veuves perdues, lessivées et lassées par les maltraitances endurées pendant la veillée mortuaire et qui ne se sentent pas de taille à batailler contre la famille du défunt, elle encourage néanmoins ces dernières à se battre pour leurs enfants afin que ceux ci bénéficient de l'héritage de leur père.

Des conseils qui ont mis la puce à l’oreille aux enfants Milandou qui se sont opposés aux décisions prises lors de la concertation familiale, quarante-cinq jours après la mise en terre de leur père. “ Lors de la concertation familiale, les tantes et neveux de mon père tenaient mordicus à ce qu’on leur cède deux maisons qu'occupaient des locataires. Nous avons passé toute une journée à débattre sans pour autant trouver de compromis ”, a fait savoir Judicaël, un des fils Milandou qui, au cours de la seconde concertation, a décidé avec ses quatorze frères et sœurs de six lits d’aller en justice pour trancher l'affaire. “Pris de honte par la pression du nzonzi et du chef du quartier, la famille a remis les clés des deux maisons”, a informé Diana, l'aînée de famille qui peut enfin entrevoir l'avenir de ses frères et sœurs mineurs. “Il nous a fallu du courage pour ne pas succomber à leurs intimidations car nos tantes étaient déterminées à nous arracher notre héritage”, a-t-elle précisé.

C'est pourquoi, comme l’a suggéré M. Ngoma, il est impératif d’organiser des campagnes de sensibilisation à ce sujet et inviter les parents à établir leur testament en vue de sécuriser leur héritage, par conséquent l'avenir de la veuve et des orphelins.

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Une veuve entre larmes et angoisses/DR

Notification: 

Non