Société : un sang d’encre à l’école !

Jeudi 26 Mai 2022 - 17:39

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Pour les médecins du XVIIe siècle, l’humeur avait un lien avec le sang. Le mauvais sang, noir comme l’encre,  traduisait pour eux  un sentiment d’inquiétude et d’angoisse.  Il en est devenu une expression, «  Se faire un sang d’encre », qui colle à la peau des jeunes filles congolaises à l’école dès lors qu’apparaissent leurs règles auxquelles s’ajoute un sentiment de honte.

«  J’ai eu mes premières règles à l’école en pleine récréation. Je ne comprenais pas bien ce qui m’arrivait... ».  L’aveu est signé Dave Tendresse, fondatrice de l’association Lamouka, qui œuvre, entre autres, pour la création d’une école communautaire, et soutient, par ailleurs, le groupe de paroles de jeunes femmes congolaises Girls Talk 242, initié par Destie Issanga, qui, à l’occasion de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle du 28 mai, organise une collecte de serviettes hygiéniques et une campagne de sensibilisation pour briser le tabou des règles à l’école. « J’avais 12 ou 13 ans, j’étais en classe de 5e à l’école Efficace, dans le quartier Talangaï, à Brazzaville. Il n’y avait pas de papier hygiénique dans les toilettes.  Mes copines, mieux averties que moi, m’ont achetée un paquet de mouchoirs. Avant même la fin du dernier cours, mon pantalon était imbibé de sang. Je suis rentrée comme ça à la maison où on ne parlait pas de ces choses là.  Plus tard, j’avais trop honte de demander de l’argent à mes parents pour m’acheter des serviettes hygiéniques », a poursuivi Dave Tendresse.  

Si chaque jour 300 millions de femmes ont leurs règles, le sujet est, en effet, toujours et encore tabou alors qu’il est un enjeu majeur d’éducation et de santé publique. La République du Congo, où la serviette hygiénique est appelée plus communément « Garniture », n’échappe d’ailleurs pas à la « règle » !  Le sujet est à éviter, tourne le dos au bien-être, à l’hygiène et à la santé, alors on se débrouille. Comme en Inde, Dave Tendresse s’est vue contrainte, à son jeune âge, de se fabriquer d’elle même ses protections en découpant des morceaux de tissus. «  C’est vrai, c’était une petite serviette jaune que j’adorais. Et puis, je ne m’habillais plus en blanc lorsque j’avais mes règles, car je tachais systématiquement mes vêtements et que c’était plus visible. Moi, je vivais dans un milieu confortable mais je manquais simplement d’information, alors imaginez ce que peuvent vivre d’autres jeunes femmes en situation de précarité », a-t-elle signifié.

Les  menstruations sont dans de nombreux pays synonymes d’exclusion, considérées comme « sales » et, pire encore, comme le précise l’Unicef,  comme une maladie par 48% des jeunes filles en Iran. En Afrique, selon l‘Unesco, une jeune femme sur dix ne va pas à l’école au moment de ses règles, entraînant par la même un véritable décrochage scolaire.  

On saluera bien évidemment l’initiative de Girls Talk 242 pour cette collecte de serviettes hygiéniques dont l’achat d’un simple paquet, même au plus bas prix de 750 F CFA, est ressenti comme un luxe en milieu scolaire et dans les familles précarisées, manquant d’informations ou cultivant ce tabou en dépit du bon sens. Faut-il rappeler que l’apparition des règles à la puberté, phénomène on ne peut plus naturel,  est le simple signal pour dire que le système reproducteur est arrivé à maturité ?  Pas de quoi s’en faire un sang d’encre !

 

 

 

 

 

Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Briser le tabou des règles à l’école

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