Réfugiés ukrainiens en France : des étudiants africains menacés d’expulsion

Mardi 14 Juin 2022 - 15:16

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Des étudiants étrangers non ukrainiens sont sommés de quitter le territoire français. Ils dénoncent un système d’accueil à deux vitesses. En 2020, l’Ukraine comptait 61 000 étudiants étrangers dont 17 379 africains.

Bon nombre des étudiants africains ont fui la guerre et trouvé refuge en France. Trois mois après l’exode, les premières décisions d’expulsion sont tombées pour les ressortissants non ukrainiens, sommés de rentrer chez eux. Un « gâchis humain et une fabrique à clandestins », selon les organisations non gouvernementales. Après une autorisation provisoire de séjour, certains préfets leur ont délivré une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous trente jours. Pourtant, certains étudiants ont, entre temps, été admis dans des programmes universitaires, où ils pourront reprendre leur  cursus dès la rentrée. « Je suis déçu. Historiquement, mon pays a des liens avec la France. Je parle la langue  française. Je me disais que ça allait être plus facile. Mais pas du tout », a confié Inza Touré, admis à un programme de Sciences Po Grenoble, tombé dans l’irrégularité.

« L'intéressé ne justifie ni d'une vie privée et familiale ancrée dans la durée en France, ni d'une insertion quelconque dans la société française », indique l’arrêté du préfet. Les cas se multiplient et se ressemblent. Pour Ange Zroho, d’origine ivoirienne, « c’est fini depuis le 10 juin », le titre de séjour actuel a expiré. « J'ai peur, je suis perdu. J'ai l'impression que le compte à rebours est enclenché », raconte-t-il. Les autorités françaises lui suggèrent de rentrer en Côte d’Ivoire.

A contrario, plus de 85 000 déplacés ukrainiens ont été accueillis en France de manière légale, les ressortissants étrangers qui vivaient en Ukraine avant le déclenchement du conflit, le 24 février, ne bénéficient pas des mêmes perspectives. Le texte d'application français de la « protection temporaire » offerte par l’Union européenne stipule que seuls ceux qui ne peuvent rentrer dans leur pays « dans des conditions sûres et durables » peuvent être pris en charge. « Le traitement différencié dont font l'objet ces personnes, qui vivent les mêmes traumatismes de l'exil, de la séparation et de l'incertitude de l'avenir que celles qui ont la nationalité ukrainienne, est inacceptable », ont déploré dix-sept associations et organisations non gouvernementales, dont Amnesty International ou La Cimade. Ces personnes commencent à recevoir des OQTF. Les organisations parlent de « gâchis humain » et d’ « un non-sens politique, leurs compétences universitaires et professionnelles ayant toute leur place en France ». Elles réclament une « application non discriminatoire de la protection temporaire ».

« C'est une décision kafkaïenne et une fabrique à clandestins », écrit Pierre Henry, président de France Fraternités, une association ayant ouvert une permanence juridique à destination des étudiants étrangers ayant fui l'Ukraine, à cause de la guerre. Depuis le début de la guerre dans ce pays, la France a accueilli une centaine de milliers de réfugiés, et leur a permis d'avoir une protection temporaire ouvrant droit à un travail ou à des aides sociales et médicales. Mais les étudiants étrangers en exil ont été exclus du dispositif et se trouvent aujourd'hui dans une situation complexe qui risque de mettre en péril leur cursus universitaire et leurs parcours professionnels. Le statut particulier des étudiants africains ayant fui l'Ukraine mobilise plusieurs acteurs en France. Parmi eux, un collectif de présidents d'université et de maîtres de conférences s'est alarmé de leur sort, appelant à  « continuer à former les étudiants que l'Ukraine a choisi d'accueillir ».

Noël Ndong

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