Les confidences d’artistes : la thérapie par l’image de Zed Lebon

Jeudi 11 Août 2022 - 21:15

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S’il n’était pas photographe, il serait certainement réalisateur de film d'animation. Une passion qui l'animait dans sa tendre enfance. Comme la photographie est une affaire familiale pour lui, Zed n’a pu eu d’autre choix que de perpétuer la tradition. Pas par imposition mais par choix. A ce jour, son plus grand fantasme est de réaliser un projet photographique dans différents cimetières de Brazzaville.  Aussi surprenant que cela puisse être, ce talentueux photographe congolais, célibataire et père d’une petite fille, a toujours embarqué son public dans des projets aussi originaux les uns des autres. Ses réalisations empreintes de souvenirs et de recherche d’identité. Dans cet univers parsemé d’images, Zeb Lebon est un photographe en quête de l’inconnu, sensible et marqué par la mort, notamment celle de sa mère, cette femme qu’il n’a jamais connue, ni vue, et dont il ne reste pratiquement aucune photographie. Entretien.

 

 

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C) : comment tu t’es lancé dans la photographie ? Qu’est-ce que la photographie représente pour vous ?

Zed Lebon (Z.L) : la photographie est un medium artistique qui me permet non seulement de m’exprimer et de raconter des histoires, mais aussi et surtout de combler un vide, celui de l’absence de l’amour maternel. Inspiré par mon expérience d’orphelin, j’explore dans ma démarche photographique les problématiques du départ et de l’absence. A travers les images qui me viennent en songe, je décrypte le visage de cette femme que je n’ai jamais connue, ni vue, et dont il ne reste pratiquement aucune photographie. La photographie m’aide également à sortir de ma zone de confort pour aller vers les autres.

L.D.B.C : est-ce que vous vivez de votre art ?

Z.L : tout travail nourrit son homme, pourvu que vous le fassiez avec amour et détermination. J’ai osé dans la photographie et aujourd’hui je vis de ma passion. J’ai l’opportunité de voyager à l’intérieur du pays et à l’étranger.

L.D.B.C: quel est le plus grand montant qu’un client peut payer pour une prestation ?

Z.L : Trop complexe comme question. Rire ! il faut juste retenir que le travail de l’esprit n’a pas de prix. Je taxe mon travail en fonction du client en face de moi.

L.D.B.C : quelle personnalité rêvez-vous de rencontrer un jour ?

Z.L : Je rêve de rencontrer Raymond Depardon, photographe, réalisateur, journaliste, reporter-photographe et scénariste français.  J’ai découvert le photographe dans mes débuts de la photographie professionnelle avec son livre « Errance ».  

L.D.B.C : quel est ton divertissement préféré ?

Z.L : j’aime voyager.

L.D.B.C : vous êtes plutôt polygame ou monogame ?  Pourquoi ?

Z.L: : plutôt monogame. C’est un choix de vie.

L.D.B.C : que pensez-vous de cette assertion : « l’amour n’existe pas, il n’y a que les preuves d’amour » ?

Z.L :  les preuves d’amour viennent d’une personne qui incarne l’amour. On ne peut parler d’amour sans preuves d’amour. « Il y a preuve d’amour parce qu’il y a amour », Dit Kevin Bama.

L.D.B.C  : et si on vous demandait de choisir le prochain lieu de votre exposition photo ?

Z.L : je rêve de réaliser un projet photo dans différents cimetières de la ville de Brazzaville. D’ailleurs, j’ai un projet photo dans ce sens intitulé « Dévoiler le deuil ». Il s’agit de partir de l’image stéréotypée de ma défunte maman afin d’en faire une performance universelle.  

L.D.B.C : que pensez-vous de la photographie au Congo ?

Z.L : Congo Brazzaville a trouvé lors des 10 dernières années d’autres approches de la pratique photographique avec la création du tout premier Collectif des photographes dénommé Collectif Génération Elili. Devenus des artistes à part entière, les photographes dudit collectif ont envisagé une démarche artistique et photo journalistique. Aujourd’hui, le Congo abrite un festival photo dénommé « Kokutan’Art », Rencontres internationales de la photographie d’auteur de Brazzaville, porté par ma modeste personne avec l’appui considérable de l’Institut Français du Congo à Brazzaville. Cette ville devient le carrefour des rencontres photographiques de la sous-région.

L.D.B.C : y a-t-il un tableau ou une image d’art qui vous a vraiment marqué ?

Z.L : j’ai été sans voix le jour où j’ai vu pour la première fois la seule photo de ma mère. Une photo prise 24 h avant sa mort et gardée par mon oncle maternel. Une dernière chance pour voir ma mère, malheureusement le photographe n’avait pas respecté les règles de compostions et de cadrage en photographie. Une photo floue, difficile d’identifier ma mère, sujet principal sur la photo. Pourtant, pour moi, c’est bien une œuvre d’art. Ça a ajouté quelque chose à ma sensibilité et ma démarche artistique.    

L.D.B.C : sur quel projet travaillez-vous en ce moment ?

Z.L : je prépare une sortie photo. Après Flash Abidjan en Côte d’Ivoire et Flash Kigali au Rwanda, le tour revient à Brazzaville d’emboîter le pas avec la mise en place de Flash Brazza. Flash Brazza propose des sorties photos une fois par trimestre dans un quartier de Brazzaville suivies d’une exposition photo dans un milieu public ou dans un restaurant de la place. A l’occasion de la Journée internationale de la photographie, Flash Brazza organise sa toute première sortie photo au marché total, ce 20 août 2022 avec la participation de Christel Arras, photographe basée à Kigali, au Rwanda. Prennent part à cette sortie photo, photographes professionnels et/ou photographes amateurs.

Je travaille également sur la 3e édition du Festival Kokutan’Art, qui se tiendra au printemps 2023. Cette édition aura pour thème « Nocturnes ». Cette thématique abordera les notions d’électricité et d’absence d’électricité sur le continent africain, à travers des clichés de photographes professionnels, qui souhaitent mettre en lumière le quotidien des populations soumis à cette réalité. Bien entendu, ce sera aussi le prétexte, pour les artistes, de s’interroger sur la question de la « nuit », sous toutes ses facettes.

 

 

 

Propos recueillis Durly Emilia Gankama

Légendes et crédits photo : 

Le clair-obscur de Zed Lebon

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