Discriminations raciales : les Nations unies mettent en garde la Tunisie

Jeudi 6 Avril 2023 - 16:46

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Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a lancé, le 4 avril, à Genève en Suisse un avertissement « solennel » aux autorités tunisiennes pour faire cesser les « discours de haine raciste », en particulier envers les ressortissants d’Afrique subsaharienne.

Agissant dans le cadre d’une procédure d’alerte précoce et d’action urgente, des experts indépendants onusiens ont demandé aux plus hautes autorités tunisiennes de s’abstenir de tout discours qui contribue à « la haine à caractère raciste et à la discrimination raciale à l’encontre des migrants provenant de pays africains du Sud du Sahara ». Le Comité est « profondément préoccupé » par le fait que cette vague de discours de haine et de stigmatisation a entraîné des actes de violence contre ces migrants, mais aussi des citoyens tunisiens noirs. Il s’agit notamment des agressions physiques et des expulsions de leur domicile et de leur travail. 

Ce Comité est alarmé par les informations faisant état de nombreuses arrestations arbitraires de ces migrants, dont des femmes, des enfants et des étudiants menées par les forces de l’ordre dans le cadre de la campagne intitulée « Renforcement du tissu sécuritaire et réduction du phénomène de séjour irrégulier en Tunisie, sans toutes les garanties procédurales ».

D’une manière générale, le Comité s’est vivement inquiété par une recrudescence des discours de haine raciale ou xénophobe en Tunisie à l’encontre des migrants des pays subsahariens, sur les réseaux sociaux et certains autres médias, y compris les discours de haine raciste tenus par des personnalités privées et des partis politiques, après les propos tenus le 21 février dernier par le chef de l’Etat tunisien.

A l’issue d’une réunion du Conseil national de sécurité tenue le 21 février dernier, le président tunisien, Kais Saïed, avait estimé dans un discours que « des mesures urgentes » étaient nécessaires « contre l’immigration clandestine de ressortissants de l’Afrique subsaharienne », parlant notamment de « hordes de migrants clandestins » dont la venue relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ».

Selon le Comité, de tels propos, qui seraient à l’origine de « violences, de crimes et d’actes inacceptables », vont à l’encontre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Pour les experts onusiens, de tels propos sont contraires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dont il a pour mission de surveiller le respect par les parties prenantes.

 Ponts aériens pour rapatrier des ressortissants

Face à la violence qui a suivi les propos du chef de l’État tunisien, des centaines de migrants originaires de pays tels que la Côte d’Ivoire, le Mali, la Guinée et le Sénégal ont décidé de retourner dans leur pays d’origine. De nombreux autres migrants et réfugiés du Sud du Sahara ont été expulsés de force de leurs maisons ou ont perdu leur emploi. Ils ont donc cherché protection et assistance auprès de l’Organisation internationale pour les migrations et de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés. Selon le Comité, le nombre de détentions arbitraires de migrants originaires du Sud du Sahara a également augmenté de « manière significative » dans tout le pays depuis le début du mois de février. 

Le Comité a demandé à la Tunisie de cesser immédiatement les arrestations et les détentions collectives de ces migrants, de libérer ceux qui sont détenus arbitrairement et de permettre à ceux qui choisissent de demander l’asile de le faire. Il a également demandé à la Tunisie d’enquêter sur les cas de migrants ayant été renvoyés sans preuves de leur emploi ou de leur logement, et prendre les mesures aux fins de leur réhabilitation.

Selon les experts indépendants des Nations unies, beaucoup de migrants sont toujours détenus, y compris dans le centre de détention administrative de Ouardia, où ils y sont depuis plus de 18 mois. Le comité demande, en outre, en urgence aux autorités de l’État partie de condamner publiquement et de se distancier de discours de haine raciste de la part d’acteurs politiques, de figures publiques et privées, de médias et d’autres acteurs privés. Il s’agit ainsi de combattre les discours haineux à l’encontre d’Africains noirs, les violences xénophobes et racistes visant surtout les Africains sub-sahariens et les citoyens tunisiens noirs.

A noter que la procédure d’alerte précoce et d’action urgente du CERD vise principalement à examiner les situations susceptibles de dégénérer en conflits afin de prendre les mesures préventives appropriées pour éviter des violations à grande échelle des droits de l’homme, en vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. C’est dans ce contexte que les experts indépendants onusiens invitent urgemment les autorités tunisiennes à initier un dialogue national inclusif sur la question du racisme et de la discrimination raciale aux fins d’en élaborer une stratégie nationale effective de lutte.

Yvette Reine Nzaba

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