Banditisme : Dieudonné Tsokini parle de la délinquance juvenile au Congo

Mardi 10 Octobre 2023 - 15:15

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Les cadres  du Haut-commissariat  à la Justice restaurative, à la Prévention et au Traitement de la délinquance juvénile se sont rendus du 18 au 27 septembre  à Orléans et Rouen  en France pour se former et découvrir des sites dédiés à l’insertion des jeunes. Le Pr Dieudonné Tsokini avait eu la charge de présenter à leurs interlocuteurs le contexte de la délinquance juvénile au Congo. Interview.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : À la suite de votre séjour de formation et de découverte, quel accueil a été réservé à la délégation et quels sont les axes à mettre en synergie pour les actions à mener par le Haut-commissariat à la justice restaurative, à la Prévention et au Traitement de la délinquance juvénile au Congo ?

Dieudonné Tsokini (D.T) : Au demeurant, venir en France pour ce stage de formation et de découverte peu de temps après que le terme d'«ensauvagement» d'une partie de la société française avait refait surface constituait, pour notre délégation, un véritable paradoxe. Cette résurgence sémantique risquait de nous décourager à l’effectuer. Et pourtant, au fur et à mesure de l’évolution du programme mis en place par les formateurs de l’Institution de formation aux métiers de la ville, initiatrice du projet, et par les experts en charge du traitement de la délinquance, de l’accompagnement et de l’insertion de jeunes en France, nous avons perçu l’ampleur et l’intensité du rythme du travail à accomplir sans plus attendre.

Durant une semaine, à Orléans et à Rouen, nous avons eu des séances théoriques et pratiques dans différents centres de formation tels que  l’Établissement pour l’Insertion dans l’Emploi, l’Épide, ou celui du service d’Aide par le travail, l’Ésat. Nous en avons particulièrement retenu qu’il n’est pas question de légitimer la violence. La psychologie première est de procéder à la prévention en luttant en priorité contre le décrochage scolaire.

 Par la suite, les parcours des jeunes délinquants, tels qu’ils peuvent imparfaitement être reconstitués, révèlent souvent fragilités sociales et rupture scolaire. En fin de compte, leur rendre leur fierté. Notre mission en France a, en effet, obéi à cette exigence afin de partager et de sensibiliser nos partenaires dans le but de bénéficier d’un certain nombre d’appréhensions dans une perspective complémentariste et d’appropriation des approches, certainement novatrices, visant, soit à l’atténuation, soit à la réduction ou la résorption, à terme, de ce phénomène très préoccupant, surtout qu’il atteint aujourd’hui le milieu scolaire à travers ce qu’il est convenu d’appeler les « violences en milieu scolaire » avec la particularité des bagarres en bandes spontanées entre écoles.

L.D.B : Pensez-vous que cette expérience est à adjoindre à la stratégie nationale de prévention et de traitement de la délinquance juvénile voulue par le Congo ?

D.T. :  Tout à fait. Le gain de cette mission de formation réside au niveau de la diversité des mécanismes de mise en œuvre des stratégies préconisées qui obéissent à une politique et une logique éducatives où le jeune, quel que soit son profil, doit bénéficier d’un encadrement, surtout spécialisé. Tout est fait pour que le jeune qui le désire soit occupé afin de le protéger du désoeuvrement et, à court terme, de la délinquance. Les résultats indiquent que le racolage et l’extorsion (89%), les bagarres entre gangs et trouble à l’ordre public (73%), sont fortement représentés. 

L.D.B : Dans combien de temps estimez-vous pouvoir obtenir des résultats probants face à la délinquance juvénile ?

 D.T. : Au Congo, la délinquance juvénile est un phénomène complexe lié à l’urbanisation galopante des grandes villes et à l’évolution des mœurs, notamment leur dépravation attestant d’une situation de crise sociale ; une situation préoccupante pour la société tout entière, et les pouvoirs publics en particulier. D’après une récente étude du Haut- commissariat à la Justice restaurative, il s’agit, pour ceux qui sont connus, des jeunes dits « bébés noirs », dont l’âge est compris entre 18 et 20 ans, représentés à 27% dans cette délinquance ; nous avons également des gangs/bandes "Arabes", représentés à 41,8% ; "les Américains" à 38.8% ; ceux n’appartenant pas aux gangs mais ayant le même mode opératoire à 12% ; et les autres gangs faiblement représentés à 1% pour chaque gang.

C’est un enjeu national qui exige une riposte forte et contextualisée où se croisent, à la fois, les approches répressives, tout à fait justifiées et mesurées, éducatives et de réinsertion. Cela exige des efforts énormes, des ressources humaines formées et qualifiées et des moyens financiers conséquents, notamment en ce qui concerne la réinsertion des jeunes, afin de leur permettre ensuite d’entrer légitimement dans le monde du travail. Notre stratégie nationale, voulue et élaborée en appui de la volonté gouvernementale manifestée par la création de notre structure le 5 novembre 2021, répond à toutes ces préoccupations. Il reste à en entériner la validation et la rendre opérationnelle par les pouvoirs publics. Certes, nous devons aller vite mais, me semble-t-il, cela nécessitera encore un certain temps pour qu’ensemble, avec le gouvernement de la République, nous parvenions à résorber ce difficile phénomène sociétal et être en mesure de rendre la fierté à nos jeunes.

 

Propos suscités par Roger Ngombe

Légendes et crédits photo : 

Le Pr Dieudonné Tsokini/Flam image

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