Développement : Mbonigaba évoque la « division du travail citoyen » en RDC

Vendredi 10 Novembre 2023 - 16:30

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A moins de deux mois de l'organisation des élections générales en République démocratique du Congo (RDC), l'analyste, penseur et spécialiste des questions électorales, Modeste Mbonigaba, dresse un tableau sombre de la situation du pays depuis l'indépendance. Il propose une formule pour changer la donne : "La division du travail citoyen".

Spécialiste des questions électorales, de démocratie et de développement en Afrique et libre penseur sur des faits politiques et sociaux, Modeste Mbonigaba Mugaruka vient de livrer une réflexion pertinente sur « L’inadéquation flagrante entre les impératifs de développement et la mentalité pour le moins inappropriée des principaux acteurs de ce développement que sont les Congolais », situant le problème depuis l’indépendance de la RDC jusqu’à ces jours. Aussi propose-t-il une formule : « La division du travail citoyen ». Alors que le pays se prépare à organiser la présidentielle et les législatives nationales, provinciales et des municipales, cet analyste pense plutôt à la transformation du Congolais après 63 ans de tâtonnements, de servitude involontaire et de descente aux enfers.

Pour lui, le démarrage du pays après l’indépendance fut déjà chaotique. Il rappelle le fait que jusqu’au 30 juin 1960, chaque agent colonial, civil ou militaire, devait impérativement avoir le profil de l’emploi auquel il était affecté, dans l’optique de la règle d’or de « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». Mais cela a subitement disparu après l’indépendance, n’importe qui pouvait être bombardé à une haute responsabilité au pays sans en avoir le profil requis. Et au fil des années, ce fut la consécration de l’idée de chance « eloko pamba ». La fameuse règle d’or n’a jamais pu être respectée en plus de six décennies dans un pays aussi mondialement important qu’est la RDC. Et les « dégâts » sont là, faisant dire à certains analystes que le Congo-Kinshasa est passé à côté de son destin.

« L’impératif de construire un véritable État impartial et protecteur de tous les citoyens, sans discrimination d’aucune sorte, a été également abandonné au profit du maintien d’un … quasi-État, principalement voué au service des puissants et des gens au pouvoir. Un quasi-État porté, non pas par une administration totalement dévouée à la cause du service public, mais plutôt par un corps sans âme, sous payé et démotivé, miné par le tribalisme, le régionalisme et toute sorte de clientélisme », relève Modeste Mbonigaba. Cette absence d’un Etat au service de tous les citoyens a mis en mal l’indispensable cohésion nationale et créé des « conditions propices à toutes sortes de contestations (y compris armées) sur fond de chantage au séparatisme, à la sécession et même à la balkanisation… ».

Parlant du Congolais, cette situation, souligne-t-il dit, a façonné un type de Congolais totalement « étranger » à l’idée même de développement. Son reflexe est de plus en plus celui du « chacun pour soi » et non celui du travail en équipe, de la mise en commun des efforts, avec une mentalité d’éternel assisté et non celle de quelqu’un qui prend conscience d’avoir devant lui un pays à bâtir, de nombreux projets à lancer, un espace à conquérir.

« Cette inadéquation entre les multiples besoins à satisfaire et le comportement quelque peu désinvolte des acteurs, va être constaté dès le départ ! C’est, en effet, depuis Joseph Kasavubu jusqu’à Félix Antoine Tshisekedi, en passant par Patrice Emery Lumumba, Mobutu Sese Seko, Laurent Désiré Kabila, Etienne Tshisekedi et Joseph Kabila, que tous les grands acteurs de la vie politique congolaise depuis 1960 jusqu’à ce jour vont avoir, chacun avec ses mots, à déplorer cette étrange situation caractérisée par une inadéquation flagrante entre les impératifs de développement et la mentalité pour le moins inappropriée des principaux acteurs de ce développement que sont les Congolais ! Joseph Kabila aura même l’honnêteté de le reconnaître ouvertement et publiquement, en déclarant qu’en dix-sept ans de pouvoir, il n’a pas réussi à changer la mentalité de l’homme congolais ! Ce qui va, probablement, pousser son successeur, Félix Antoine Tshisekedi, à considérer et à proclamer le changement de l’homme congolais comme l’un des principaux chantiers de son quinquennat… », note-t-il.

Modeste Mbonigaba pense mordicus qu’il faut commencer par « transformer le danseur et l’applaudisseur actuel en revendicateur permanent et pugnace, presque toujours insatisfait ». Le nouveau type de Congolais pourra donc mieux appliquer la formule de la « division du travail citoyen » afin de se préoccuper de la mise en valeur des immenses ressources dont la nature a doté la RDC, pour le bien de tous. En conclusion, il affirme : « Comme c’est l’élection qui est au cœur de cette problématique de dévolution du pouvoir d’État, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples avait organisé, en mai 2002, un séminaire d’évaluation des processus électoraux en Afrique dont la conclusion avait été sans équivoque, à savoirIl faut imaginer des formules nouvelles en matière électorale pour sortir l’Afrique de sa léthargie actuelle ». 

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Modeste Mbonigaba

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