Pointe-Noire : l'inceste dans les ménages, un fléau qui prend de l’ampleur

Vendredi 22 Décembre 2023 - 6:30

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Les enfants victimes d’inceste ont une grand-peine à porter plainte et se cantonnent d’un arrangement à l’amiable. Une véritable entrave pour traduire en justice les coupables  impunis qui courent les rues, reproduisant les mêmes crimes sans être inquiétés.

« On a reçu un cas où une jeune fille atteinte du VIH a été violée et les parents ont estimé qu'il ne valait pas la peine de porter plainte car elle était séropositive. Selon ces derniers, le coupable serait contaminé et ce serait là sa comdamnation. Mais je peux vous assurer que la fille était profondément blessée face aux comportements de ses parents », explique Émeline Nkosso, chargée de bureau Pointe-Noire.

Au KM4, dans la même ville, un cas similaire a fait le tour du quartier. « Ce n’est plus un secret, car la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre et à ce qu’il paraît, le monsieur n’est pas sa première victime. A chaque fois qu’il abuse d’une fillette, il propose en contrepartie une forte somme d’argent aux parents qui au départ étaient prêts à porter plainte mais se rétractent une fois les finances en main », s’insurge Melaine.

Les arrangements à l’amiable sont parmi les raisons qui empêchent les victimes d’obtenir une justice en bonne et due forme. Ils sont aussi à l’origine de la hausse des abus sexuels sur les mineurs. « L’attente interminable de la plainte pousse les parents à choisir l’argent car ceux-ci pensent punir le coupable alors qu’ils ne font qu’aggraver la situation. En outre, comment peut-on expliquer qu'un sexagénaire qui viole une petite fille de 2 ans soit en liberté provisoire après seulement deux mois de prison ? Pas facile pour les parents de nous faire confiance », a indiqué la chargée de bureau Pointe Noire.

Devenues monnaie courante, ces propositions indécentes (présents, indemnisation de la famille de la victime) profitent non seulement à l’agresseur mais aussi aux parents au détriment de la victime qui, parfois, se fait narguer par son agresseur, ralentissant ainsi ses chances de guérison car cette dernière vit dans la peur d’être de nouveau agressée. Des compromis qui découragent parfois comme le fait savoir Emeline. « Se taire ne fait qu’empirer les choses : les victimes souffrent, perdent confiance, développent des troubles de comportement, il est vraiment temps que les parents prennent conscience », estime-t-elle.

Sortir du secret de l’inceste pour sauver des vies

Une réalité difficile à combattre face à la pauvreté, aux croyances religieuses et aux pesanteurs sociales. Taire l’inceste ou dénigrer la parole de la victime dès qu’elle relate l’incident reste la pratique de maintien du silence la plus courante dans les familles. Sortir du secret de l’inceste reste donc un long processus, certes, mais qui n’est pas impossible comme le témoigne Emeline Nkosso. En effet, Azur développement Pointe-Noire travaille en connivence avec la justice, les hôpitaux, la police, la gendarmerie, pour essayer d’éradiquer ces pratiques ignobles que la société congolaise banalise de plus en plus.

Face donc au silence, un des leviers d’action de cette organisation non gouvernementale repose sur la sensibilisation. « On explique aux petites filles qu’il ne faut pas parler à des inconnus ou se laisser accompagner par eux, recevoir des présents de leur part, ou encore que le coupable se déshabille devant elles. Enfin, nous insistons sur le fait de dénoncer l’auteur des violences, combien même c’est un frère, un oncle, un père… », a fait noter Decombèle Boussiengue Uriette, animatrice locale Pointe-Noire. Elle rappelle un fait non négligeable que « quand l’auteur est un membre proche de la famille, la victime a encore plus de mal à s’exprimer ».

Un constat qui a conduit Azur développement à mettre l’accent sur un autre levier : l’accompagnement juridique. Un travail sur la durée qui requiert fermeté et surtout patience, notamment lorsqu’il s’agit d’accompagner la victime auprès des services de la police ou de la gendarmerie. La, également, l’écoute et l’empathie espérées ne sont pas toujours au rendez-vous comme l’a informé Emeline Nkosso. « Quand vous tombez sur un agent qui n’est pas formé, et qui ne rassure pas la victime, cela peut avoir des conséquences graves pour la suite car, très souvent, la victime se rétracte. Pour pallier cette difficulté, on travaille régulièrement avec un policier qui a été formé sur les violences ayant pour base le genre », a expliqué cette dernière. Elle déplore cependant les pesanteurs administratives qui ralentissent les chances de la victime de voir son bourreau être incarcéré dans les brefs délais.

 

Berna Marty

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Image illustrative/ DR

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