Pillage médical : l’Afrique saignée pour soigner en Grande-Bretagne

Jeudi 8 Mai 2025 - 20:12

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Face à la pénurie de soignants, la Grande-Bretagne recrute en Afrique, vidant des pays déjà exsangues de leurs médecins. Derrière ce « pillage médical », des hôpitaux africains désertés et des patients abandonnés à leur sort.

Les hôpitaux anglais emploient de plus en plus de soignants venus de pays africains qui, eux-mêmes, manquent de médecins. Depuis 2021, Londres a, en effet, recruté plus de 65 000 professionnels de santé venus de l’étranger, notamment de la région du monde la moins dotée en soignants : l’Afrique subsaharienne. Principales victimes de cet exode : le Nigeria, le Ghana et le Zimbabwe. Le gouvernement britannique s’était pourtant engagé à ne plus embaucher de soignants issus de la fameuse « liste rouge » de l’Organisation mondiale de la santé. L’agence onusienne a, en effet, répertorié 55 pays qu’elle considère comme trop peu dotés en soignants et appelle les capitales occidentales à ne pas y pratiquer d’embauches. C’est, par exemple, le cas du Tchad, du Togo, du Malawi, du Niger ou de la Guinée qui comptent, chacun, moins d’un médecin pour 10 000 habitants.

Les raisons du recrutement en Afrique

À force de sous-investir dans le secteur hospitalier ; à force, aussi, d’imposer des cadences effrénées au personnel sans que les salaires suivent, Londres n’arrive plus à recruter et se tourne donc vers l’étranger. Mais, depuis le Brexit, et la fin à la liberté de circulation avec l’Union européenne, le nombre de médecins venus du Vieux continent a sensiblement baissé. Le pays lorgne donc vers l’Afrique où il se livre à un véritable « pillage » médical. Car engager ces médecins africains revient, de fait, à tirer profit de leurs compétences sans avoir eu à les former… et, par-là même, sape tous les efforts consentis par ces pays pour (se) doter d’un système médical digne de ce nom. Ce n’est pas tout. Employer ces soignants, c’est aussi, pour Londres, embaucher des professionnels corvéables à merci. Car ces praticiens trouveront toujours plus enviable d’exercer en Grande-Bretagne plutôt qu’au Burundi où un médecin hospitalier est payé 170 euros par mois.

Un exode aux lourdes conséquences

Cet exode aggrave la pénurie de soignants et allonge les délais de prise en charge. Illustration au Zimbabwe, où, ces dernières années, les autorités assistent, impuissantes, à l’exil des soignants. Dans les centres de soins, les listes d’attente n’ont jamais été aussi longues. Résultat, les plus aisés partent se faire soigner à l’étranger (en Afrique du Sud, le plus souvent) ; les autres, y compris ceux atteints d’une maladie grave, se tournent, à défaut, vers les herboristes.
On le voit, tenter de pallier le manque de soignants en allant les embaucher à l’étranger, c’est compréhensible mais c’est indéfendable.

Noël Ndong

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