Climat : l’Afrique face à un déficit de financement de 190 milliards de dollars par an

Jeudi 5 Juin 2025 - 0:06

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L’Afrique, bien qu’elle ne contribue qu’à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est l’une des régions les plus vulnérables aux effets du changement climatique.

Pour combler son déficit de résilience et accélérer sa transition durable, le continent africain doit mobiliser 190 milliards de dollars par an d’ici à 2030. C’est le constat majeur du rapport « Africa Insights 2025 », présenté le 30 mai, à Casablanca, au Maroc, par Casablanca Finance City (CFC) en partenariat avec Oxford Economics Africa.

Alors que les effets du dérèglement climatique se multiplient - sécheresses, inondations, baisse de rendement agricole - les pays africains disposent de ressources naturelles exceptionnelles, mais peinent à attirer les financements nécessaires. En 2022, le continent n’a reçu que 52,1 milliards de dollars, soit 3,3 % des flux climatiques mondiaux. Et 82 % de ces fonds provenaient du secteur public, mettant en lumière la faible implication du capital privé. « Le défi climatique de l’Afrique n’est pas seulement environnemental, il est aussi structurel, économique et financier », explique l’économiste principal  d’Oxford Economics Africa, Deon Fourie.

Cinq secteurs stratégiques pour une transition verte

Le rapport met en lumière cinq secteurs à fort potentiel de transformation :

1-Énergies renouvelables. Plus de 600 millions d’Africains vivent encore sans électricité. Le continent doit installer 300 GW de capacité d’ici à 2030 pour assurer un accès équitable et durable.

2-Économie bleue. Avec ses 38 États côtiers, l’Afrique possède un gisement inexploité dans la pêche, l’aquaculture, l’énergie marine et le tourisme côtier. Ce secteur génère déjà 300 milliards de dollars de produit intérieur brut et emploie 50 millions de personnes, avec un potentiel estimé à 1 000 milliards de dollars.

3-Agriculture résiliente. Dans une région où 95 % des terres cultivées dépendent des pluies, l’adoption de technologies agricoles durables est vitale. L’Afrique détient 25 % des terres arables mondiales.

4-Infrastructures résilientes. Avec une urbanisation galopante -treize des vingt plus grandes mégapoles seront africaines d’ici à 2100 - le besoin en infrastructures durables est urgent.

5-Minéraux critiques. L’Afrique possède 30 % des réserves mondiales de ressources essentielles à la transition énergétique, comme le cobalt, le lithium ou le manganèse.

Financer autrement : vers une nouvelle architecture

Le rapport propose une approche mixte, misant sur des outils innovants pour diversifier les sources de financement : obligations vertes, sociales et durables ; finance mixte (blended finance) ; échanges dette-nature ; marchés volontaires du carbone. Aujourd’hui, l’Afrique représente 10 % du marché mondial du crédit carbone, mais pourrait atteindre 25 % d’ici à 2030, soit une opportunité de 7 milliards de dollars, à condition de structurer des mécanismes robustes de suivi et de vérification.

Le rôle clé des centres financiers

Les centres financiers internationaux sont appelés à devenir des passerelles stratégiques entre projets africains et capitaux mondiaux. Casablanca Finance City (CFC) se positionne en acteur de référence. En 2024, elle a signé un protocole avec la Caisse de dépôt et de gestion du Maroc pour développer un marché régional du carbone, aligné avec les engagements de ce pays. Selon  la directrice générale adjointe de CFC, Lamia Merzouki, « L’Afrique peut devenir l’usine du monde en matière de développement durable. Pour cela, il faut structurer un écosystème solide, attirant investisseurs, talents et financements ».

Une feuille de route en dix actions

Le rapport conclut par dix recommandations concrètes pour accélérer la transition :

-Renforcer les partenariats public-privé ;

-Améliorer la visibilité et la préparation des projets ;

-Développer les marchés carbone ;

-Mobiliser la diaspora africaine ;

-Promouvoir la formation et le transfert technologique ;

-Attirer les capitaux privés avec des cadres incitatifs ;

-Structurer les financements mixtes ;

-Moderniser les données et outils de suivi ;

-Impliquer les centres financiers internationaux ;

-Favoriser les standards ESG adaptés au contexte africain.

Une mobilisation urgente à la veille de la COP 30

À l’approche de la COP 30, le message est clair : l’Afrique est prête à assumer un rôle moteur dans la lutte climatique, à condition de pouvoir compter sur une mobilisation rapide, cohérente et ambitieuse des acteurs publics et privés. L’avenir climatique du continent - et du monde - en dépend.

Noël Ndong

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