Droits de douane : la Chine exempte l'Afrique

Lundi 16 Juin 2025 - 16:43

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La décision de Pékin d’exempter l’Afrique des droits de douane sur ses exportations vers la Chine constitue une avancée majeure pour le continent, tout en marquant une manœuvre géopolitique habile face aux États-Unis. Si cette mesure vise à renforcer les économies africaines, elle pourrait aussi redéfinir les rapports de force mondiaux.

La Chine a annoncé la suppression des droits de douane pour les produits importés de 53 pays africains, une initiative qui pourrait bouleverser les relations économiques et géopolitiques entre Pékin, l’Afrique et l’Occident. En 2024, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique ont atteint un record de 295 milliards de dollars, avec un excédent commercial chinois de 62 milliards. Ce geste visait à élargir l’accès des produits africains au marché chinois, tout en cherchant à réduire la dépendance du continent vis-à-vis des exportations de matières premières.

Une opportunité pour l’Afrique

Les pays africains bénéficiaires de cette exonération (Afrique du Sud, Kenya, Maroc), qui disposent de bases industrielles en développement, pourraient voir dans cette décision une occasion de diversifier leurs exportations et d’accroître leur présence sur le marché chinois. Cette suppression des droits de douane s’inscrit dans la volonté de Pékin de favoriser une transformation économique du continent, en permettant aux économies africaines de ne plus se cantonner à l’exportation de matières premières (minerais, pétrole, etc.).  Pour le président chinois, Xi Jinping, l’objectif était de "renforcer la coopération bilatérale" et de "favoriser la diversification des exportations africaines". Ce geste est aussi une manière pour Pékin de maintenir sa position dominante en Afrique, où elle est déjà le premier partenaire commercial depuis 2008.

Une réplique à la politique américaine

Cette annonce de la Chine intervient après l’introduction, par Trump II, de nouveaux droits de douane sur certains produits africains, atteignant parfois 50 %. Cette démarche, jugée par certains comme une attaque contre les économies africaines, a mis les relations commerciales entre l’Afrique et les États-Unis sous pression. Pékin a saisi cette opportunité pour se positionner comme une alternative fiable et attrayante. En offrant un accès privilégié au marché chinois, la Chine se distingue des Etats-Unis et renforce son image de partenaire commercial solidaire. Cette décision fait écho à un contexte de tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, où Pékin semble bien décidé à profiter du vide laissé par Washington pour renforcer son influence sur le continent africain, à la fois comme investisseur et partenaire économique stratégique.

Limites et dépendance à long terme

Cette initiative, bien qu’avantageuse sur le court terme, soulève des interrogations. L’économiste David Gakunzi avertit que si l’accès privilégié au marché chinois peut stimuler certaines économies africaines, cela risque également de maintenir le continent dans une relation de dépendance, dominée par l’exportation de matières premières. L’absence de mesures pour encourager la transformation industrielle pourrait limiter les gains à long terme pour les populations africaines. Ainsi, bien que cette exonération douanière présente des avantages économiques évidents, elle ne répond pas nécessairement aux besoins de diversification industrielle de l’Afrique, qui reste dépendante de l’exportation de ressources naturelles. Ce modèle de croissance, s’il est poursuivi, pourrait continuer à freiner le développement durable du continent.

Une stratégie géopolitique audacieuse

L’exemption des droits de douane par la Chine représente un véritable coup de maître géopolitique, tout en offrant à l’Afrique un accès privilégié à l’une des plus grandes économies mondiales. Si cette décision peut à court terme dynamiser certains secteurs industriels africains, elle comporte également des risques de dépendance accrue vis-à-vis de la Chine. Le véritable défi pour l’Afrique résidera dans sa capacité à utiliser cet accès pour se diversifier, renforcer ses infrastructures industrielles et sortir du cercle vicieux de l’exportation de matières premières. Pékin, par cette mesure, démontre sa volonté de maintenir son leadership économique et stratégique sur le continent africain, tout en profitant des tensions commerciales avec les États-Unis pour solidifier ses liens avec le Sud global. Le développement de l’Afrique à long terme dépendra désormais de sa capacité à tirer parti de cette ouverture tout en réduisant sa vulnérabilité économique et géopolitique.

Noël Ndong

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