Russie-Afrique : l’« Africa Corps » consolide l’influence du Kremlin en AfriqueMercredi 18 Juin 2025 - 13:30 La Russie ne quitte pas l’Afrique : elle y consolide ses positions. Après le retrait annoncé du groupe Wagner du Mali, le Kremlin confirme une nouvelle phase de son engagement stratégique sur le continent avec le déploiement de l’« Africa Corps », structure paramilitaire officiellement liée au ministère russe de la Défense. Un changement de méthode, mais pas d’ambition. Interrogé lors d’un point presse, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré : « La présence russe en Afrique ne faiblira pas. Elle se renforce. Nous sommes déterminés à intensifier nos interactions, dans le respect de la souveraineté des pays africains et au bénéfice mutuel ». L’ Africa Corps, entité créée dans la foulée de la restructuration post-Wagner, est désormais directement pilotée par le ministère russe de la Défense, ce qui marque une nette rupture avec les opérations semi-officielles menées sous Evgueni Prigojine. Un haut responsable militaire russe, cité par l’agence TASS, explique : « Il ne s’agit plus d’une opération d’influence. Il s’agit de partenariats durables dans le cadre d’accords bilatéraux. L’Africa Corps répond à une logique de stabilisation et de coopération sécuritaire ». Du Mali au golfe de Guinée : une stratégie à long terme Officiellement, l’Africa Corps aura pour mission d’assurer l’accompagnement militaire, logistique et technique de plusieurs États partenaires, notamment au Sahel, en Afrique centrale et sur les côtes atlantiques. Cette mission inclut la formation des armées locales, la protection de sites stratégiques et le soutien dans les opérations de lutte contre le terrorisme. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait déjà esquissé cette stratégie lors de sa tournée africaine en 2023 : « L’Afrique doit être libre de choisir ses partenaires. La Russie ne colonise pas. Elle coopère ». Une diplomatie de la sécurité, mais aussi de l’économie Au-delà du volet militaire, le Kremlin met en avant une approche multidimensionnelle. Dmitri Peskov a précisé : « Nos liens avec l’Afrique se développent sur des bases solides, notamment économiques. Les investissements russes dans l’énergie, les infrastructures et l’agriculture vont s’accroître ». Plusieurs accords miniers et énergétiques ont été récemment signés avec des pays comme le Burkina Faso, la Centrafrique et le Soudan. La Russie fournit aussi du blé et des engrais à prix réduits, une démarche perçue comme un levier d’influence douce dans un contexte d’inflation alimentaire mondiale. Une réponse à l’isolement géopolitique ? Pour de nombreux observateurs, l’intensification de la présence russe en Afrique répond à la volonté du Kremlin de contourner son isolement international depuis la guerre en Ukraine. En multipliant les partenariats Sud-Sud, Moscou cherche à se repositionner comme acteur central d’un nouvel ordre mondial multipolaire. Le vice-ministre russe de la Défense, Alexeï Krivoruchko, l’a résumé lors d’un forum sur la sécurité internationale à Moscou : « L’Afrique n’est pas une périphérie stratégique. C’est un axe de notre politique extérieure à long terme ». Un partenariat sous haute surveillance Si l’annonce du remplacement de Wagner par l’Africa Corps vise à rassurer les partenaires africains et à stabiliser la coopération militaire, les chancelleries occidentales observent cette mutation avec inquiétude. L’Union européenne, les États-Unis et plusieurs pays africains s’interrogent sur la nature exacte de cette force, son financement, et ses objectifs réels à moyen terme. En attendant, la Russie structure, professionnalise et renforce sa présence, dans une logique de projection stratégique dans un continent devenu clé pour l’équilibre géopolitique mondial. Noël Ndong Notification:Non |