Afrique de l’Ouest : les navires étrangers accusés de racler le fond des océansJeudi 19 Juin 2025 - 10:45 Alors que la 3e Conférence des Nations unies sur l'océan vient de clore ses portes à Nice, en France, un désastre silencieux mais inévitable se prépare dans les eaux d'Afrique de l'Ouest. Des milliers de pêcheurs crient leur désespoir face à l'acharnement aveugle de chalutiers étrangers qui rasent sans relâche les fonds marins, ne laissant qu'un désert aquatique aux communautés locales. Chaque semaine, des navires venus d'Europe, de Chine, de Turquie et de Russie envahissent le littoral Ouest-africain, s'attaquant aux ressources halieutiques sans vergogne. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, environ 30 % des stocks de poissons dans la région sont surexploités, tandis que les représentants des pêcheurs traditionnels, présents à Nice, ont mis en lumière les pratiques prédatrices de ces flottes. Les chalutiers chinois, souvent camouflés en désactivant leur système d'identification, opèrent impunément dans des zones interdites, négligeant le droit maritime pour un profit immédiat. Ce constat alarmant va bien au-delà des simples pertes de poissons : il menace directement les moyens de subsistance de 12 millions de personnes qui dépendent de la pêche en Afrique de l'Ouest. Des ressources taries : la fin d’un savoir-faire traditionnel La pêche, pilier fondamental de l'économie locale en Afrique de l'Ouest, est désormais menacée. En Gambie, avec son littoral de 80 kilomètres, les poissons deviennent un luxe inaccessible. Le coût élevé des produits de la mer a grimpé de 60 % au cours des cinq dernières années, conséquence directe de la surpêche, frappant durement les familles déjà vulnérables. En Mauritanie, où la petite pêche génère 66 000 emplois directs et indirects, les pêcheurs ressentent l'angoisse de la crise, beaucoup étant contraints à l'exil, floués par des promesses de vie meilleure en Europe. Environ 21 % des jeunes gambiens et sénégalais envisagent désormais de fuir leur pays pour des opportunités économiques en Europe. Une surpêche dévastatrice Les conséquences de cette exploitation ne se limitent pas à l’épuisement des ressources. Les usines de farine et d'huile de poissons jouent un rôle tout aussi dévastateur. En ratissant les stocks de petits poissons pélagiques - qui représentent environ 40 % des captures totales - pour nourrir des élevages de saumon ou de volaille, elles contribuent à la raréfaction radicale des espèces essentielles pour la population locale. Une étude récente a montré que 80 % des petits poissons pélagiques pêchés en Afrique de l'Ouest sont transformés en farine ou en huile, laissant les communautés sans accès à des sources de protéine vitale. Appels à l'action Face à cette crise, les participants à la conférence n’ont pas hésité à interpeller les nations riches, notamment la France, hôte de l'événement. Ils ont exigé des moyens renforcés pour la surveillance des eaux territoriales au coût moyen de 2 millions d'euros par an par pays pour une surveillance adéquate, ainsi qu'un soutien fort pour réguler les activités des fermes aquacoles. Les organisations non gouvernementales environnementales, de leur côté, plaident pour la création de plus d'aires marines protégées, avec un objectif de 30 % des océans mondiaux à protéger d’ici à 2030, et une exploitation des ressources halieutiques qui soit enfin durable. La voix des pêcheurs d'Afrique de l'Ouest s'est fait entendre à Nice, mais sera-t-elle assez puissante pour changer le cours de l'histoire ? La lutte pour la survie de ces communautés dépend d’une mobilisation globale réelle contre la surpêche et la pêche illégale. Les océans n'appartiennent pas seulement à ceux qui les exploitent, mais à tous ceux qui dépendent d'eux pour vivre. Noël Ndong Notification:Non |