Blanchiment d’argent : l’UE place cinq pays africains sur sa liste noire

Jeudi 19 Juin 2025 - 10:56

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L’Union européenne (UE) a actualisé sa liste des juridictions à haut risque pour le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Sur les dix pays nouvellement listés, cinq sont africains : Algérie, Angola, Côte d’Ivoire, Kenya et Namibie.

La décision s’appuie sur les recommandations du Groupe d’action financière qui a signalé des « lacunes stratégiques » dans leurs systèmes financiers. « Ces États n'ont pas encore mis en œuvre les réformes nécessaires pour garantir la transparence et la traçabilité des flux financiers », a indiqué la Commission européenne dans un communiqué. Un reflet du durcissement stratégique des mécanismes européens de filtrage financier face à des risques transnationaux croissants.

Des conséquences économiques immédiates

L’inscription sur la liste noire de l’UE entraîne des contrôles renforcés pour les transactions en provenance ou à destination de ces pays ; une vigilance accrue des banques européennes ; un durcissement du climat d’investissement, affectant les investissements directs étrangers, le crédit commercial et les transferts de la diaspora. Selon la Commission économique pour l’Afrique, ce continent perd chaque année 90 milliards de dollars à cause des flux financiers illicites, soit 3,7 % de son produit intérieur brut. Un classement sur cette liste noire compromet l'accès aux marchés internationaux pour ces pays, tout en renforçant la perception d’un environnement réglementaire instable.

Des modèles de redressement : le Sénégal et l’Ouganda

Bonne nouvelle en revanche pour le Sénégal et l’Ouganda, retirés de la liste après avoir réalisé des progrès significatifs en matière de surveillance bancaire, de transparence et de coopération entre les institutions nationales. « Ces pays montrent qu’une volonté politique forte peut inverser une dynamique négative », affirme Clément Reuter, analyste au Centre européen de gouvernance financière. Ce retrait est perçu comme un signal positif pour les investisseurs internationaux. Il permet aux banques européennes de reprendre certaines activités avec ces pays sans procédures restrictives.

Pression géopolitique, enjeux géostratégiques

Au-delà du verrouillage de son architecture financière face à des menaces transversales (Flux illicites, corruption, financement du terrorisme), cette liste l’UE est aussi un outil de pression diplomatique, dans un contexte de compétition d’influence avec les acteurs comme la Chine, les Emirats ou la Russie, souvent plus souples en matière de normes financières. « L’Europe use du levier financier pour encourager des réformes, mais cela peut aussi pénaliser des pays en transition », estime Armelle N’Guessan, consultante en gouvernance à Abidjan. « L’Union européenne joue une carte d’influence. La mise sous pression réglementaire est aussi un outil de négociation », poursuit-elle. La nouvelle liste n’entrera en vigueur qu’après validation par le Parlement européen et le Conseil de l’UE.

La stratégie de l’UE vise une transparence accrue et un filtrage plus rigoureux des circuits financiers. Pour les États africains concernés, cette pression peut être un catalyseur de réformes ou un facteur d’isolement financier s’ils tardent à s’adapter. À l’horizon 2030, avec plus de deux tiers des pauvres du monde vivant dans des zones fragiles, la capacité de ces pays à restaurer la confiance pourrait être déterminante.

Noël Ndong

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