Lutte contre l’émigration clandestine : l’Italie et l’UE dévoilent un plan de 1,2 milliard d’euros

Mardi 24 Juin 2025 - 11:54

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La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont annoncé un plan ambitieux d’investissement de 1,2 milliard d’euros destiné à soutenir des projets en Afrique.

Le financement annoncé vise à transformer les relations entre l’Europe et le continent africain dans un contexte marqué par une concurrence mondiale croissante et des tensions migratoires exacerbées. Lors d’un sommet co-présidé à Rome, Giorgia Meloni a mis en avant les engagements de son "plan Mattei", décrivant celui-ci comme un dispositif essentiel pour développer l'économie africaine et limiter l'émigration. "Nous venons d'assister à la conclusion de cinq accords très importants, apportant plus de 1,2 milliard d'euros d'investissements européens et italiens à l'Afrique", a déclaré Ursula von der Leyen, saluant les ambitions du gouvernement italien.

Un plan d’investissement structuré autour de clés de voûte

Le plan fait partie intégrante du Plan Mattei, qui ambitionne de mobiliser jusqu'à 5,5 milliards d'euros dans sa phase initiale pour des initiatives éparpillées sur quatorze pays. Parmi les projets principaux financés figurent l’amélioration des infrastructures ferroviaires à travers le corridor de Lobito, qui relie l’Angola, la République démocratique du Congo et la Zambie sur plus de 800 kilomètres, ainsi que l’extension du câble sous-marin Blue Raman, visant à améliorer la connectivité numérique en Afrique de l'Est. Giorgia Meloni a affirmé : "Le défi pour nous est que l'Afrique puisse grandir en offrant une perspective à ses jeunes", tout en reconnaissant que ces mesures sont nécessaires pour combattre les causes profondes de l'émigration clandestine. Ursula von der Leyen a également souligné l'importance des talents et compétences africains, attestant que l'Union européenne (UE) a un rôle à jouer pour accompagner ce développement.

Une opportunité géopolitique face à l’influence chinoise

L’Italie et l'UE cherchent ainsi à redéfinir leur position dans une Afrique de plus en plus courtisée, notamment par la Chine, qui continue d’accroître sa présence économique et politique sur le continent. En resserrant les liens avec des pays africains clés, l’Europe tente de contrer l’influence croissante de Pékin, d'autant plus que les investissements chinois en Afrique ont surpassé ceux des Européens. Dans cette logique, Giorgia Meloni a précisé que l’investissement de l’UE n’est pas une aide unidirectionnelle, mais un partenariat apportant des bénéfices mutuels. Ce discours est aussi une réponse à la critique de paternalisme reproché à l'ancienne influence française, qui se voit aujourd'hui contestée par une nouvelle Afrique désireuse de prendre son destin en main.

Des critiques sur l’inclusion et la résonance locale

Malgré l'ampleur des annonces, des voix s'élèvent pour dénoncer un manque de véritable inclusion des acteurs africains dans la conception de ces projets. Le "Plan Mattei" a été globalement bien reçu par les gouvernements partenaires, mais des spécialistes estiment que le gouvernement italien « a trop promis ». Giovanni Carbone, professeur à l’université de Milan, a avancé que "les financements que l’Italie peut mettre à disposition ne sont pas à la bonne échelle" pour atteindre les objectifs fixés, notamment en matière de création d’emplois et d’arrêts de flux migratoires.  Pour Simone Ogno, de l'organisation non gouvernementale ReCommon, les investissements pourraient prioriser les intérêts des grandes entreprises italiennes, notamment dans l'industrie des combustibles fossiles.  Des sociétés comme ENI et Terna, ainsi que des acteurs agro-industriels, sont déjà impliquées dans le plan, soulevant des interrogations quant à l’orientation réelle de ces fonds.

Vers un avenir incertain ?

Pour clore, le plan de 1,2 milliard d’euros de l’Italie et de l’UE représente une tentative légitime de repenser les relations euro-africaines et de répondre aux défis migratoires. Cependant, la véritable efficacité de cette initiative repose sur sa capacité à inclure les voix africaines et à concrétiser des promesses d’investissement durables. Le scepticisme persistant, exacerbé par les critiques sur un manque de concertation, pourrait entraver les ambitions déclarées de cette coopération. Comme l'observe un analyste, « si l’argent ne se traduit pas par des résultats tangibles sur le terrain, l’Europe risque de ne pas réaliser ses objectifs en Afrique ». L’avenir de cette initiative nécessitera d'établir un véritable partenariat équitable prenant en compte les aspirations des peuples africains.

Noël Ndong

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