RDC-Rwanda : Washington relance la paix, l’Afrique des Grands Lacs retient son souffleLundi 30 Juin 2025 - 23:46 Alors que plus de 6,7 millions de Congolais vivent déplacés, un accord de paix inédit négocié par les États-Unis entre Kinshasa et Kigali suscite un espoir prudent. Entre diplomatie de crise, calculs stratégiques et pressions humanitaires, la région joue gros. Un accord de paix signé le 27 juin à Washington entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ravive l’espoir dans une région marquée par des décennies de conflits. Depuis la résurgence du M23 en 2021, plus de 6,7 millions de personnes ont été déplacées en RDC, selon les Nations unies. Les affrontements ont fait plus de 3 000 morts en 2024 et plongé des centaines de milliers de civils dans l’exil ou la précarité extrême. « Ce conflit a causé d’immenses souffrances, notamment aux femmes et aux enfants », déplore Harold Acemah, ex-diplomate ougandais. Une paix sous condition L’accord prévoit un cessez-le-feu, le désarmement des groupes armés, notamment les FDLR, et la reconnaissance de l’intégrité territoriale congolaise. Il inclut également des engagements en faveur du retour sécurisé des réfugiés, y compris les Kinyarwandophones historiquement marginalisés. « Tous les pays de la région doivent soutenir la mise en œuvre », insiste Harold Acemah. Les États-Unis en médiateurs stratégiques Ce retour diplomatique de Washington dans les Grands Lacs illustre une volonté de reprendre la main face à l’influence croissante de la Chine et de la Russie. Les enjeux sont à la fois sécuritaires et économiques : trafic d’armes, minerais stratégiques (coltan, cobalt) et routes commerciales critiques pour les chaînes d’approvisionnement mondiales. « L’implication américaine donne du poids à l’accord, mais sa pérennité dépendra du suivi sur le terrain », note un diplomate régional. Optimisme prudent, terrain incertain Sur le terrain, les acteurs humanitaires saluent l’initiative, mais avec prudence. Stephan Goetghebuer, de Médecins sans frontières, souligne que la paix est indispensable pour garantir l’accès aux soins et réduire les violences sexuelles endémiques. Mais sans changement rapide, « il est trop tôt pour juger ». Même réserve chez le politologue Buchanan Ismael à Kigali, qui rappelle l’échec des précédents processus de Luanda, Nairobi ou Doha : « Sans mesures concrètes, nous en reparlerons dans six mois ». Une opportunité géopolitique fragile La portée de l’accord dépasse le seul axe Kinshasa-Kigali. L’Ouganda, le Burundi et la Tanzanie, affectés par les vagues de réfugiés, ont aussi un intérêt stratégique à stabiliser la région. Toutefois, sans un mécanisme robuste de surveillance, de sanctions et un engagement de l’Union africaine, le risque d’enlisement demeure élevé. Espoir sous surveillance L’accord de Washington ouvre une fenêtre de désescalade dans l’Est congolais, mais les précédents incitent à la prudence. Pour les diplomates comme les humanitaires, il s’agit d’un test de crédibilité autant pour les signataires que pour leurs partenaires. La stabilité de l’Afrique des Grands Lacs - et l’avenir de millions de civils - en dépend. « Ce n’est pas seulement une question de paix. C’est une question de souveraineté, de sécurité régionale et de justice pour la population trop longtemps abandonnée », conclut Harold Acemah. Noël Ndong Notification:Non |