Terrorisme : l’Afrique centrale, nouveau front oublié des jihadistesMardi 5 Août 2025 - 13:36 Entre porosité frontalière, trafics illicites et vide sécuritaire, la région devient une cible stratégique pour Al-Qaïda et l’État islamique, selon l’ONU. Alors que le Sahel et la Corne de l’Afrique sont en proie à une expansion continue des groupes jihadistes, l’Afrique centrale reste vulnérable face à la montée en puissance des franchises d’Al-Qaïda et de l’État islamique, selon un rapport alarmant remis au Conseil de sécurité de l’ONU. L’Afrique centrale, longtemps perçue comme une zone tampon, se trouve désormais dans l’orbite d’influence des grandes nébuleuses jihadistes. Si la pression militaire dans le Levant a affaibli l’État islamique (EI), cette reconfiguration stratégique pousse ses affiliés, comme l’EI dans le Grand Sahara (EIGS), à se repositionner plus au sud. Le bassin du lac Tchad, les zones frontalières entre le Cameroun, la RCA, le Tchad et le nord de la RDC apparaissent désormais comme des territoires de projection potentielle. Une instabilité exploitable, une géoéconomie du djihadisme L’absence d’un maillage sécuritaire solide dans certaines parties du nord camerounais, du Tchad et de la RDC (Ituri, Nord-Kivu) constitue un terreau propice à l’infiltration. L’EIGS comme le JNIM (affilié à al-Qaïda) y mènent des actions ponctuelles, mais de plus en plus coordonnées avec des relais locaux. Les experts de l’ONU soulignent que la multiplication des conflits communautaires, la porosité des frontières et l’émergence d’économies informelles incontrôlées, facilitent le transit d’armes, d’explosifs et de fonds illicites. Les groupes terroristes s’appuient sur un système économique parallèle : taxation locale, trafic de minerais (notamment en RDC), contrebande de carburant ou d’or, et surtout, transferts d’argent par hawalas, échappant à tout contrôle bancaire. En Centrafrique comme au nord du Cameroun, ces circuits alimentent une économie de guerre qui concurrence les institutions locales. La résilience financière des groupes, couplée à l’usage de drones et de messageries chiffrées, leur confère une capacité opérationnelle accrue. Une menace aux dimensions régionales Les liens logistiques entre al-Shabab et les Houthis, les incursions du JNIM dans le sud algérien depuis Tindouf, et la capacité croissante des groupes sahéliens à projeter des attaques complexes - y compris en zone forestière humide - font craindre un contournement du front sahélien vers le bassin du Congo. Le spectre de l’établissement de bases arrières dans les forêts frontalières du Gabon, de la RCA ou de la RDC est pris au sérieux par plusieurs services de renseignement. Quelle réponse pour l’Afrique centrale ? Peu de pays de la région disposent de capacités anti-terroristes suffisantes. Le Tchad, engagé au Sahel, voit son flanc sud-est fragilisé. La République centrafricaine reste dépendante d’alliés extérieurs pour sécuriser ses frontières. Et la coordination entre services de sécurité d’Afrique centrale est encore embryonnaire. Dans ce contexte, le rapport de l’ONU appelle à un renforcement massif des capacités de renseignement, de contrôle des flux financiers informels et de sécurisation des corridors stratégiques, notamment entre le Sahel et le bassin du Congo. L'Union africaine est, une fois de plus, sommée de construire une réponse cohérente, face à un jihadisme qui, tout en changeant d’échelle, reste d’une inquiétante agilité.
Noël Ndong Notification:Non |