Fin de l’Agoa : l’Afrique frappée de plein fouet par le protectionnisme américainVendredi 8 Août 2025 - 13:55 Le 7 août, les nouvelles surtaxes douanières imposées par l’administration Trump entrent en vigueur, redéfinissant les règles du jeu commercial mondial. "Make America Wealthy Again", a lancé Donald Trump dans la roseraie de la Maison Blanche en dévoilant son nouveau programme commercial. Sous couvert de redonner à l’industrie américaine ses lettres de noblesse, les États-Unis viennent d’imposer une surtaxe allant de 10% à 50% sur les importations en provenance de 185 pays – y compris 54 pays africains. Une mesure qui met fin de facto à l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), ce programme qui permettait depuis 2000 à 32 pays africains d’exporter vers les États-Unis sans droits de douane. L’Afrique sous pression douanière : trois vitesses, mêmes incertitudes Quatre pays africains (Algérie, Libye, Afrique du Sud, Tunisie) sont surtaxés à hauteur de 25 à 30%, 18 pays comme le Nigeria, la RD Congo ou Maurice à 15%, tandis que 32 pays bénéficieront du plancher de 10%. Cette stratification tarifaire crée un nouveau rapport de forces commercial intra-africain. Pour les exportateurs africains, le choix est binaire : absorber la taxe ou la répercuter sur les importateurs américains, avec le risque de perdre en compétitivité sur le marché américain. Des secteurs sous tension : mines, hydrocarbures, textile, automobile -Afrique du Sud, principal perdant, voit ses secteurs agricole et automobile lourdement affectés : 100 000 emplois sont menacés. Les composants automobiles sont frappés à 25%. -Algérie et Libye, surtaxées à 30%, voient leur pétrole perdre toute compétitivité face au brut du Golfe, taxé à seulement 10%. Pour Alger, l’impact est double : hydrocarbures et produits industriels (acier, engrais, ciment) sont visés. -Le textile tunisien, autre victime collatérale, passe sous une taxe de 25%. Or, les États-Unis absorbent près de 70% des exportations textiles tunisiennes. -Le cacao ivoirien ou ghanéen, représentant 60% du marché mondial, reste protégé par sa domination. Ces deux pays, taxés à 15%, pourront en grande partie transférer le surcoût à l’acheteur américain. Chine, UE : les gagnants inattendus ? En réaction, l’Afrique pivote. Plusieurs pays envisagent de renforcer leurs partenariats avec l’Union européenne, l’Inde ou la Chine, cette dernière offrant des exonérations tarifaires à 33 pays africains. « Le repli américain pourrait renforcer l’influence économique chinoise sur le continent », a averti Jean-Jacques Rosa, professeur d’économie géopolitique à Sciences Po. D’un point de vue stratégique, la fin de l’AGOA affaiblit la capacité d’influence américaine en Afrique, à l’heure où Washington cherche à contrer les avancées chinoises dans les secteurs critiques comme les terres rares ou les infrastructures numériques. Riposte africaine et diplomatie économique en marche Certains pays, comme l’Afrique du Sud, explorent la voie diplomatique pour obtenir des exemptions, en échange d’investissements dans l’économie américaine. « Nous sommes ouverts à la discussion, mais les taxes punitives ne sont pas une solution », a déclaré le président sud-africain lors d’une conférence de presse à Pretoria. La recherche de nouveaux débouchés est également sur la table. Nairobi, Accra ou Abidjan planchent déjà sur des stratégies de diversification commerciale, notamment vers l’Asie du Sud-Est. Un effet boomerang pour les États-Unis ? Au-delà des impacts africains, le consommateur américain pourrait aussi payer le prix fort. L’augmentation du coût de biens importés, allant des engrais aux produits agricoles, menace d’alimenter l’inflation. Seulement, « le protectionnisme agressif de Trump est une arme à double tranchant », résume l’économiste Joseph Stiglitz. « Il pénalise les alliés, favorise la Chine et renchérit la vie des Américains ». Une nouvelle cartographie commerciale en gestation Ces surtaxes américaines, loin de seulement reconfigurer les flux commerciaux, forcent les pays africains à repenser leur dépendance économique aux États-Unis, tout en accélérant le mouvement vers une autonomie stratégique continentale. L’épisode actuel pourrait marquer, à terme, un tournant dans l’équilibre des partenariats Afrique-monde, et poser les jalons d’une diplomatie commerciale africaine plus structurée et assertive. Noël Ndong Notification:Non |