Interview RFI. Anatole Collinet Makosso: «Ce n'est pas à l'Union africaine d'imposer un vote» sur la candidature du Congo à l'UnescoMardi 12 Août 2025 - 15:54 La bataille de l'Unesco bat son plein. En octobre, lors d'un premier tour, trois candidats vont s'affronter pour succéder à la Française Audrey Azoulay au poste de directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. En lice, la Mexicaine Gabriela Ramos, l'Égyptien Khaled El-Enany et le Congolais de Brazzaville Edouard-Firmin Matoko. La France soutient le candidat égyptien et le Premier ministre du Congo-Brazzaville n'hésite pas à regretter « l'ingratitude de la France à l'égard de son pays ». Anatole Collinet Makosso répond aux questions de C. Boisbouvier.
Anatole Collinet Makosso : Le président américain Franklin Roosevelt vous avait déjà donné un enseignement : que ce n'est pas au milieu du gué qu'on change de cheval, ou qu’un bon cavalier ne peut pas laisser sa cavalerie au milieu du gué. Donc, pour nous qui avons encore la chance d'avoir à la tête de nos États des hommes d'une certaine expérience et qui ont connu l'Afrique dans tous ces états, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions nous priver de leur expérience et de leur sagesse. C'est pour cette raison que nous pensons que Denis Sassou N'Guesso reste justement le candidat idéal. RFI : Donc, vous nous annoncez qu'il sera candidat ? A.C.M. : Je ne vous annonce rien. Il a la réquisition populaire sous réserve de ce qu'il dira lui-même. Mais jusqu'à preuve du contraire, son peuple le réclame comme candidat parce que son peuple estime qu'il n'a pas besoin de subir un saut dans l'inconnu. RFI : Depuis le lendemain de la présidentielle de 2016, deux des principaux adversaires politiques du chef de l'État, Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, sont en prison. Ils ont été condamnés à 20 ans et beaucoup les considèrent comme des prisonniers politiques. Est-ce qu'une grâce présidentielle est envisageable d'ici le mois de mars prochain ? A.C.M. : Lorsque l’on aura vu par exemple que, dans certains pays, les hommes politiques ou coupables d'infractions qui auraient été jugés ont bénéficié, comme ça, d'une grâce présidentielle, peut-être que nous en tirerons les leçons et que ça nous servira d'exemple. RFI : Autre opposant politique, Lassy Mbouity, du parti Les Socialistes. Le 11 mai dernier, quelques jours après l'annonce de sa candidature, il a été enlevé chez lui par des hommes armés encagoulés, puis tabassé pendant neuf jours avant d'être relâché. Est-ce que ce n'est pas le signe qu'il règne aujourd'hui à Brazzaville une violente campagne d'intimidation contre certaines personnalités qui voudraient entrer en compétition l'année prochaine ? A.C.M. : Si l’on a connaissance d’un seul établissement sanitaire qui avait reçu M. Lassy Mbouity, même de passage, même en hospitalisation de jour, eh bien, il faut qu'on me le cite, ce seul établissement sanitaire par lequel M. Lassy Mbouity est passé. S'il n'y a aucune information à ce sujet, je considère tout le reste comme étant une légende. RFI: En octobre prochain, l'Unesco va élire son prochain directeur général. Il y a trois candidats : la Mexicaine Gabriela Ramos, l'Égyptien Khaled el-Enany et votre compatriote Édouard Firmin Matoko. Celui-ci ne s'est déclaré candidat qu’au mois de mars dernier, deux ans après son rival égyptien. Est-ce que ce n'est pas trop tard ? Est-ce que ce n'est pas un handicap ? A.C.M. : Dans quel pays et dans quelle institution on présente la candidature deux ans avant la période de l'élection ? Notre compatriote a présenté sa candidature dans les délais, à savoir dans la période statutaire officielle de l’Unesco comprise entre janvier et mars. RFI : Le candidat égyptien Khaled el-Enany a un CV assez impressionnant puisqu'il a été ministre égyptien des Antiquités. Quels sont les atouts du candidat congolais Édouard Firmin Matoko face à ce candidat prestigieux ? A.C.M. :Son expérience au sein de la maison : pendant près de 30 ans cadre de l'Unesco, et pour avoir préservé le patrimoine culturel partout dans le monde, y compris en Égypte. Et, au regard de tout son parcours, au moment où l'Unesco traverse une période de turbulences avec le désengagement de certains États - et pas des moindres -, nous pensons qu’il faut que ce soit, en toute légitimité, quelqu'un de la maison qui puisse conduire ces réformes en douceur et en profondeur. RFI : Est-ce que le candidat égyptien n'est pas soutenu par plusieurs pays, comme la France, et aussi par l'Union africaine ? A.C.M. :Soutenu par l'Union africaine, je ne sais pas. L'élection se passe à l'Unesco, donc ce n'est pas à l'Union africaine d'imposer un vote là où l’on requiert la volonté souveraine des États. Deuxièmement, cette candidature, qu’elle soit soutenue par la France, c'est un fait. Nous notons, ce n'est pas la première fois que la France voterait contre le Congo. Mais si la France peut être indifférente à la candidature portée par Brazzaville, capitale de la France libre d'hier, il y a des pays comme l'Angola qui ont le sens de la gratitude, qui ne peuvent pas oublier que, au moment où ils célèbrent aujourd'hui le 50ᵉ anniversaire de l'indépendance, Brazzaville et le Congo ont joué un rôle très important pour leur indépendance, que nous allons également célébrer aujourd'hui. Les pays comme l'Afrique du Sud ne peuvent pas manquer de gratitude au moment où nous allons célébrer bientôt le 35ᵉ anniversaire de la fin de l'apartheid. Il se souviendra du symposium littéraire contre l'apartheid organisé à Brazzaville. Il y a des pays qui ont encore le sens de la mémoire, de la gratitude. Ce que la France oublie, les autres pays ne l'oublient pas.
Retranscription effectuée par Marie Alfred Ngoma Légendes et crédits photo :Premier ministre, chef du gouvernement, Anatole Collinet Makosso Notification:Non |