Cameroun : Emmanuel Macron reconnaît une « guerre » coloniale, un geste mémoriel aux implications diplomatiquesMercredi 13 Août 2025 - 18:45 C’est un mot que l’on n’avait encore jamais entendu dans la bouche d’un président français au sujet du Cameroun : « guerre ». Dans un courrier officiel adressé au président Paul Biya, Emmanuel Macron a reconnu que la France avait mené une « guerre » contre les mouvements indépendantistes camerounais, avant et après l’indépendance de 1960. Une formulation lourde de sens, qui vient acter un changement de ton historique, sans pour autant régler tous les enjeux mémoriels, juridiques ou géopolitiques liés à ce passé longtemps occulté. « Il me revient d’assumer aujourd’hui le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements », a indiqué le président français. Cette reconnaissance s’appuie sur un rapport d’historiens de plus de 1000 pages, dirigé par l’historienne Karine Ramondy. Le document met en lumière une répression systémique, menée principalement contre l’Union des populations du Cameroun (UPC), qui aurait fait des dizaines de milliers de victimes entre 1955 et 1961. Un geste mémoriel calibré Cette démarche s’inscrit dans une politique de mémoire active impulsée par Emmanuel Macron, à la suite de précédents travaux sur l’Algérie et le Rwanda. Mais ici, le dossier camerounais - longtemps relégué aux marges du débat public - prend une dimension inédite. En reconnaissant que la guerre s’est poursuivie au-delà de l’indépendance, avec le soutien français au régime d’Ahmadou Ahidjo, Emmanuel Macron rompt avec le récit traditionnel d’une décolonisation achevée en 1960. Entre mémoire, influence et repositionnement Au-delà du devoir de mémoire, cette reconnaissance intervient dans un contexte géopolitique tendu pour la France en Afrique. Le retrait progressif de ses forces du Sahel, la montée en puissance d’acteurs concurrents (Russie, Chine, Turquie), et la défiance croissante de plusieurs sociétés africaines obligent Paris à réajuster sa diplomatie. Dans ce cadre, l’Afrique centrale, historiquement francophile, apparaît comme une zone-clé pour le redéploiement économique et stratégique français. Le Cameroun, avec ses ressources naturelles (cacao, pétrole, bois, gaznaturel...), sa stabilité relative et son rôle régional de pivot, devient un partenaire clé pour un redéploiement stratégique en Afrique centrale. Le 237 reste un partenaire économique crucial, avec des échanges bilatéraux franco-camerounais avoisinant 1,1 milliard d’euros en 2024. « Le rapport va nous permettre de continuer à bâtir l’avenir ensemble. », a déclaré Emmanuel Macron. Un geste sans réparations… pour l’instant Du côté camerounais, les réactions restent mesurées. Mathieu Njassep, président de l’Asvecam (Association des vétérans du Cameroun), déclare : « C’est un pas important. Mais nous attendons plus. La France peut payer des réparations. Elle a détruit des villages, des routes… ». Le courrier d’Emmanuel Macron n’évoque pas les réparations, un point sensible qui pourrait ressurgir dans les mois à venir, notamment sous forme de revendications diplomatiques ou juridiques. Des archives pour restaurer la confiance Emmanuel Macron propose la création d’un groupe de travail bilatéral chargé de faciliter l’ouverture des archives françaises. L’objectif : permettre aux historiens d’approfondir les recherches, documenter les violences, et construire une mémoire partagée. Plusieurs épisodes ont été mentionnés :
Une mémoire à co-construire Le rapport insiste sur le fait que l’indépendance du Cameroun n’a pas rompu les liens d’influence entre Yaoundé et Paris. L’actuel président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, fut un collaborateur direct d’Ahmadou Ahidjo, premier chef d’État camerounais soutenu par la France. La reconnaissance d’aujourd’hui résonne donc dans un contexte politique tendu, à deux mois de l’élection présidentielle prévue pour octobre 2025. Noël Ndong Notification:Non |