Démocratie en recul, mais citoyenneté active : le paradoxe politique africainMercredi 13 Août 2025 - 18:38 72 % des électeurs africains ont voté lors des dernières élections nationales. Ce chiffre, issu du dernier rapport Afrobaromètre 2025, pourrait surprendre dans un contexte où les coups d’État militaires, les répressions d’opposition et les remises en cause des constitutions se multiplient sur le continent. Mais l’étude nuance : le vote n’est plus l’unique forme de participation politique. L’Afrique, loin d’être apathique, vit une transformation de sa citoyenneté. « La démocratie recule, mais les Africains ne se taisent pas », résume un analyste d’Afrobaromètre. Une démocratie institutionnelle fragilisée Basée sur plus de 50 000 entretiens dans 39 pays, l’étude révèle un recul significatif de la perception des libertés individuelles. Depuis 2011, la confiance dans les institutions démocratiques s’effrite. La confiance dans les partis au pouvoir a chuté de 15 points entre 2011 et 2023, et celle envers les partis d’opposition a diminué de 7 points. Exemple frappant : au Burkina Faso, la proportion de citoyens engagés dans un parti politique a plongé de 45 points en 12 ans. Une citoyenneté plurielle, en mutation Malgré ces signes de désillusion, 94 % des répondants affirment avoir participé à au moins une forme d’activité politique - au-delà du vote. Parmi les dix formes de participation étudiées : manifestations, réunions communautaires, discussions publiques, pétitions, ou encore implication dans des associations. « Les Africains participent autrement. Par les réseaux sociaux, dans la rue, dans les mosquées, à travers les ONG », note une sociologue du centre d'études citoyennes de Dakar. Le Sénégal, le Lesotho et le Niger se distinguent par des niveaux élevés d’engagement civique, tandis que la Tunisie figure parmi les pays où la participation politique est la plus faible. Liberté d'expression : un paradoxe persistant Autre donnée surprenante : 69 % des Africains interrogés se disent confiants dans leur capacité à s’exprimer librement, même si les régimes en place restreignent de plus en plus les médias, la société civile et les libertés numériques. Cette résilience, expliquent les chercheurs, traduit une culture politique en mutation : moins institutionnelle, plus informelle, plus décentralisée. Lecture stratégique et politique Dans un contexte géopolitique marqué par le recul de l’influence occidentale et la montée de nouveaux acteurs (Chine, Russie, Turquie), la transformation de la participation politique africaine invite à repenser les leviers d’appui à la gouvernance démocratique. « Il ne suffit plus de financer des élections. Il faut investir dans la culture du dialogue et les espaces de débat citoyen », insiste un diplomate européen à Addis-Abeba. Le rapport Afrobaromètre 2025 dresse un constat ambivalent : la démocratie recule sur le plan institutionnel, mais la participation politique se diversifie et se renforce dans les pratiques quotidiennes. Une Afrique civique, déterminée à faire entendre sa voix, même dans des régimes autoritaires. Le défi désormais : canaliser cette énergie citoyenne sans la décourager, ni la réprimer. Noël Ndong Notification:Non |