65 ans d’indépendance : une culture vivante entre mémoire et modernitéJeudi 14 Août 2025 - 15:15 Le Congo célèbre ses 65 ans d’indépendance ce 15 août. Plus qu’une date politique, c’est une célébration artistique. Musique, danse, théâtre, mode, arts visuels et festivals racontent l’histoire et l’avenir d’un pays qui se réinvente.
La musique est une mémoire vivante. La rumba et le soukous continuent de résonner à travers le pays. Des orchestres emblématiques comme Les Bantous de la capitale ou Extra-Musica revisitent les rythmes traditionnels pour la nouvelle génération. Les festivals donnent corps à cette énergie. Le Festival panafricain de musique (Fespam), biennal panafricain de musique; Mantsina sur scène, festival de théâtre et d’arts vivants; TuSeo, festival d’humour; ou encore Les feux de Brazza valorisent les musiques et danses traditionnelles. Ces rendez-vous témoignent d’une vitalité créative intacte. Avec la nouvelle génération, la scène musicale congolaise est en pleine effervescence, portée par de jeunes artistes qui réinventent la rumba tout en explorant des sonorités urbaines contemporaines. Ces jeunes talents, ancrés dans leurs racines culturelles, intègrent des influences variées telles que le hip-hop, l’afrobeat et le slam, créant ainsi une musique hybride qui séduit un public de plus en plus large. Des artistes comme Cegra Karl, Chikito Makinu surnommé « Le Prince Golois », incarnent cette nouvelle vague de la rumba congolaise. Ils proposent une musique élégante et émotive, fidèle aux traditions tout en intégrant des éléments modernes. Cette scène est également marquée par l’émergence de nouveaux talents tels que Paterne Maestro qui fusionne rap folklorique et hip-hop. Ces artistes explorent de nouveaux horizons musicaux, contribuant ainsi à la richesse et à la diversité de la musique congolaise contemporaine. Le rap féminin à l’honneur Jessy B, lauréate du Prix Découvertes RFI 2023, s’impose comme une figure incontournable du rap congolais. Née à Brazzaville en 2002, elle mêle afro-rap et hip-hop pour aborder des thèmes tels que l’émancipation des femmes et les réalités sociales. Sa voix percutante et son engagement lui ont permis de se produire sur la scène internationale, notamment à Paris lors des Jeux Olympiques de 2024. Le slam engagé Parmi les figures emblématiques de cette nouvelle vague qui inspire, Mariusca Moukengue, alias “Mariusca la Slameuse”, s’impose comme une artiste incontournable de l’univers du slam. Née à Sibiti, dans le département de la Lékoumou, elle débute sa carrière artistique dans le théâtre avant de se former au slam en 2015. Son style percutant et ses textes empreints d’humanisme lui ont valu de nombreuses distinctions, dont le Prix Prince Claus en 2022 pour son engagement culturel, et le titre de Championne Unicef pour les droits des enfants au Congo. En 2024, elle a marqué les esprits en se produisant au Palais des congrès de Brazzaville devant plus de 1000 spectateurs, un événement historique pour la scène slam congolaise. Son projet “Slamunité” a également permis à de nombreux jeunes de s’exprimer à travers la poésie, favorisant leur épanouissement personnel et social. Mariusca a également brillé de mille feux en confirmant son talent de conteuse contemporaine sur la scène du Fespam 2025. La nouvelle génération de la musique congolaise incarne un renouveau créatif, alliant tradition et modernité, et s’affirme comme un acteur majeur de la scène musicale africaine. La plume congolaise se réinvente La littérature congolaise vit un renouveau entre auteurs établis et jeunes talents émergents. Elle reflète les réalités sociales, politiques et culturelles du pays. Parmi les récentes publications qui le témoignent, l'on retrouve l’ouvrage « Tribaliste : Toi-même », de l’écrivain et journaliste congolais Emile Gankama. Ce livre invite à la réflexion sur les rapports humains et la responsabilité individuelle au sein de la société congolaise. Par ailleurs, la Rencontre littéraire du Congo, qui célèbrera sa 8e édition du 25 au 27 septembre prochain, traduit également cette dynamique. L’événement valorise les œuvres locales dans tous les genres (roman, poésie, essai, nouvelle et théâtre) et décerne des distinctions pour récompenser l’excellence littéraire. Des écrivains comme Nicole Mballa, lauréate du Prix Jean-Malonga 2024, ou Malachie Cyrille Roson Ngouloubi, distingué comme meilleur écrivain de l’année, illustrent la vitalité et la reconnaissance de la scène littéraire locale. Une anthologie regroupant plus de 400 auteurs congolais a été publiée récemment, offrant une visibilité inédite à ces créateurs et constituant une référence pour les générations futures. Parmi les figures emblématiques, Alain Mabanckou continue de séduire le public international avec ses romans mêlant réalisme magique, satire et réflexion sociale. À ses côtés, des auteurs comme Fann Attiki, Nicole Mballa et Malachie Ngouloubi explorent des thèmes contemporains, affirmant la diversité et la richesse du paysage littéraire congolais. Aujourd’hui, la littérature congolaise n’est plus seulement un moyen de raconter le passé ou d’exprimer une identité nationale, elle devient un vecteur d’échanges intergénérationnels. La Sape, entre élégance et identité Dans les rues de Brazzaville, les sapeurs ne passent jamais inaperçus. La Société des ambianceurs et des personnes élégantes (Sape) continue de faire de l’élégance un acte d’affirmation identitaire. « Nos tenues racontent notre histoire, notre dignité et notre art de vivre malgré les difficultés », confie Penda Sako, fondatrice de Sako couture, qui mêle pagnes et textiles traditionnels à des créations modernes. Autre visage de la mode congolaise, Triffon Lionnel Galiu, de LioCruss Style Design, puise son inspiration dans les années 1960-1970 pour habiller la jeunesse brazzavilloise, tandis qu’Edouarda Diayoka (Louata) cherche à exporter la créativité congolaise au-delà des frontières. La Semaine de la mode de Brazzaville et le défilé Sako couture de juillet dernier sont autant de vitrines de ce savoir-faire. Arts visuels et photographie contemporaine Le festival Kokutan’Art, initié en 2020 par le photographe congolais Zed Lebon, est devenu un rendez-vous incontournable pour les photographes d’auteur. Sa cinquième édition, tenue du 6 mai au 6 juin derniers, à l’Institut français du Congo à Brazzaville, a exploré le thème « Afrotopiques : ré-imaginer les possibles ». L’événement a réuni des artistes venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique, offrant une plateforme d’échanges et de découvertes visuelles. Le festival a également proposé des ateliers de formation pour les jeunes photographes locaux, renforçant ainsi le développement de la scène photographique congolaise. Baudouin Mouanda : un regard unique sur Brazzaville Photographe congolais, Baudouin Mouanda est reconnu pour sa capacité à capturer l’essence de la vie à Brazzaville. Ses séries, comme « Le ciel de saison », explorent les défis environnementaux et sociaux tout en mettant en lumière la résilience des habitants. Ses expositions récentes, en Allemagne et à Brazzaville, ont permis de faire rayonner le regard congolais à l’international. En 2025, Mouanda a exposé à l’Institut français de Dresde, en Allemagne, dans le cadre du cinquantième anniversaire du jumelage entre Dresde et Brazzaville. Cette exposition a présenté quatre séries photographiques illustrant sa perspective de la vie à Brazzaville. Espaces culturels : des lieux de mémoire et de création À Brazzaville et Pointe-Noire mais aussi dans certaines localités du Congo, les espaces culturels jouent un rôle central dans la valorisation du patrimoine et la promotion de la créativité. Le Musée-Galerie du Bassin du Congo, fondé par le groupe Agence d’information d’Afrique centrale, offre une immersion dans l’art traditionnel et contemporain, tandis que le Musée de la peinture de Poto-Poto conserve et met en lumière des œuvres majeures d’artistes locaux et régionaux pendant que le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza rappelle l’histoire nationale et le riche patrimoine du pays. L’Institut français du Congo, présent à Brazzaville comme à Pointe-Noire, reste le centre névralgique de la culture congolaise. Concerts, projections, ateliers et expositions favorisent un dialogue permanent entre artistes et public. À Pointe-Noire, l’Espace culturel Yaro met en avant les œuvres de Rhode Makoumbou et d’autres créateurs locaux à travers des expositions et des activités culturelles variées. Enfin, les Ateliers Sahm, dirigés par Bill Kouélany, le centre culturel Zola, Jean-Baptiste-Tati-Loutard et bien d’autres constituent un véritable laboratoire artistique. De la création des Bantous de la capitale en 1960 à la montée des jeunes artistes musiciens et photographes contemporains, Brazzaville a su faire de sa culture un vecteur de mémoire et de rayonnement international. Aujourd’hui, le pays célèbre ses 65 ans d’indépendance en montrant que sa culture est vivante, inventive et tournée vers l’avenir.
Emilia Durly Gankama Légendes et crédits photo :La slameuse Mariusca sur la scène du Fespam / DR Notification:Non |