Ruptures de dialogue avec le FMI : lecture multidimensionnelle des fragilités africainesJeudi 21 Août 2025 - 13:42 La récente mise à jour de la liste du FMI révèle que cinq pays africains - Soudan, Érythrée, Tunisie, Liberia et Sénégal - accusent un retard supérieur à 18 mois dans les consultations obligatoires au titre de l’article IV. Loin d’être un simple tableau technique, cette liste constitue un baromètre stratégique de la vulnérabilité des États, croisant enjeux économiques, sécuritaires, politiques et géopolitiques. Dans ces pays, la rupture du dialogue institutionnel traduit d’abord une érosion de la capacité administrative à dialoguer avec les bailleurs. La guerre civile au Soudan, les tensions post-Macky Sall au Sénégal ou encore les blocages politiques en Tunisie illustrent comment les instabilités politiques internes peuvent rapidement se transformer en crises de confiance internationale. Le cas de l’Érythrée, en isolement quasi total depuis 2019, illustre quant à lui l’impact d’un repli géopolitique sur la marginalisation économique durable. L’accès restreint aux financements du FMI ou de la Banque mondiale induit des conséquences concrètes : gel de programmes d’aide, difficultés accrues pour restructurer la dette, alerte négative pour les marchés et les agences de notation. Mais au-delà, ces retards traduisent une fragilité systémique : l’incapacité à produire ou transmettre des données macroéconomiques fiables, à maintenir un dialogue politique constructif ou à stabiliser les institutions sécuritaires. Ce lien entre fragilité institutionnelle et invisibilité diplomatique est accentué dans les contextes où l’insécurité fait système. Le Soudan, en guerre depuis 2020, est aujourd’hui dans l’incapacité de remplir ses obligations de transparence économique. Plus subtilement, les tensions politiques internes tunisiennes ou la découverte de 7 milliards de dollars de dettes cachées au Sénégal révèlent des failles de gouvernance pouvant déstabiliser l’architecture régionale de sécurité économique. Or, la rupture du dialogue économique international avec le FMI affaiblit aussi la résilience régionale. L’Afrique de l’Ouest, par exemple, voit s’éloigner l’horizon d’une convergence budgétaire et monétaire, tandis que le retrait du FMI du paysage tunisien fragilise davantage la ceinture Sud méditerranéenne déjà marquée par les défis migratoires et sécuritaires. Pourtant, des signes de redressement existent. L’Égypte, l’Éthiopie et le Malawi, récemment sortis de cette liste, montrent qu’un retour à la stabilité politique, doublé d’un ancrage technique dans les instruments du FMI, peut permettre de restaurer la crédibilité extérieure. Le Liberia, avec une mission réussie en juin 2025, illustre également la possibilité d’une réintégration rapide. En définitive, cette liste n’est pas un simple relevé administratif mais un indicateur composite de stress géoéconomique. Elle met en lumière l’indivisibilité des enjeux : la sécurité institutionnelle est le socle de la soutenabilité financière ; la gouvernance économique est un levier de crédibilité diplomatique ; et le maintien du dialogue avec le FMI reste un instrument majeur pour garantir l’accès aux marchés et à l’aide internationale. Pour les pays africains concernés, la sortie de crise passe donc autant par la restauration de la paix et de la stabilité internes que par une diplomatie économique crédible, soutenue et cohérente. Noël Ndong Notification:Non |