Qatar–Afrique : la nouvelle route de l’influence

Samedi 23 Août 2025 - 14:43

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Avec 300 milliards de dollars à investir, Doha initie une tournée inédite dans dix pays africains, combinant diplomatie active, investissements massifs et ambitions de repositionnement stratégique face aux grandes puissances et aux monarchies du Golfe.

Doha déploie ses ambitions sur le continent africain avec une tournée diplomatique et économique sans précédent. Cheikh Al Mansour Bin Jabor Bin Jassim Al Thani, envoyé spécial de l’émir, propose des investissements massifs dans dix pays, avec à la clé une redistribution des cartes géopolitiques, économiques et sécuritaires. Le Qatar change de dimension en Afrique. Longtemps cantonné à un rôle de médiateur discret, l’émirat franchit aujourd’hui un cap stratégique avec une promesse d’investissement de 300 milliards de dollars, en grande partie dédiée à l’Afrique. C’est le conglomérat Al-Mansour Holding, dirigé par Cheikh Al Mansour Bin Jabor Bin Jassim Al Thani, cousin de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani, qui est le bras opérationnel de cette offensive d’influence.

Une tournée ciblée sur les richesses critiques

Entamée le 13 août, la tournée du Cheikh traverse dix pays clés : RDC, Zambie, Tanzanie, Angola, Botswana, Burundi, Gabon, Mozambique, Zimbabwe et Centrafrique. Ces États partagent un atout stratégique : une abondance de ressources critiques — cobalt, cuivre, lithium, pétrole, gaz, terres rares — indispensables à la transition énergétique mondiale. « Notre objectif est clair : bâtir des ponts durables entre Doha et l’Afrique sur la base d’un partenariat mutuellement bénéfique », a affirmé Cheikh Al Mansour à Lusaka.

Des chiffres inédits 

  • RDC : plus de 20 milliards USD, ciblant mines, hydrocarbures, agriculture, infrastructures.
  • Zambie : 19 milliards USD signés avec le président Hichilema, sur sept secteurs dont la finance et les télécommunications.
  • Burundi, Botswana, Gabon : 5 à 10 milliards USD chacun, pour des projets touchant les infrastructures, les ressources naturelles et la cybersécurité.

Chaque escale inclut des engagements sur le transfert de compétences, la création d’emplois et des partenariats logistiques, notamment via Qatar Airways, sur le modèle du Rwanda.

Une diplomatie économique ancrée dans les rivalités globales

Cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large, où Doha combine "soft power" diplomatique et "hard power" financier. Déjà médiateur dans des crises régionales (Darfour, Djibouti-Érythrée, RDC–Rwanda), le Qatar mise désormais sur ses actifs souverains via le Qatar Investment Authority (plus de 557 milliards USD) pour s’ancrer durablement dans le tissu économique africain. « Le Qatar s’inscrit dans une stratégie d’influence structurelle, là où les autres acteurs se positionnent souvent dans l’urgence ou la captation rapide des ressources », analyse un expert du Geopolitical Futures Forum.

Entre Golfe et grandes puissances : un repositionnement global

L’initiative intervient dans un contexte de rivalité croissante entre monarchies du Golfe, notamment avec les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, déjà implantés en Afrique. Pour le Qatar, l’Afrique devient un levier de diversification post-hydrocarbures et un vecteur d’influence face aux grandes puissances occidentales et asiatiques.

Vers un « moment Qatar » ?

Cette tournée pourrait annoncer un réalignement des partenariats économiques en Afrique, sur fond de nouvelle guerre des ressources. Si les engagements se concrétisent, le Qatar pourrait s’imposer comme un acteur stratégique de l’Afrique post-covid et post-pétrole, apportant capitaux, expertise et diplomatie d’équilibre.

Noël Ndong

Notification: 

Non