Accusations russes : l’Ukraine au cœur d’un théâtre d’ombres en Afrique ?

Mardi 26 Août 2025 - 14:51

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Moscou lance une nouvelle offensive diplomatique : la Russie affirme avoir identifié une présence structurée d’instructeurs ukrainiens de drones dans plusieurs zones sensibles du continent africain, notamment au Sahel et en Afrique centrale.

Ces allégations, relayées par l’agence TASS, imputent à Kiev un rôle actif dans des opérations paramilitaires clandestines, en soutien à des groupes armés qualifiés de terroristes.

Ce que dit Moscou

Selon Alexander Ivanov, directeur du Syndicat des officiers pour la sécurité internationale, une organisation proche du Kremlin : « Des instructeurs ukrainiens opèrent au Mali, au Soudan, en République démocratique du Congo, en République centrafricaine et au Tchad. Ils fournissent des drones – notamment des Mavic 3 modifiés – aux groupes armés et coordonnent des attaques contre les forces gouvernementales ». Alexander Ivanov affirme également que des livraisons clandestines ont été identifiées vers le Burkina Faso, la Somalie et la Libye et accuse Kiev d’avoir équipé le groupe islamiste ADF (Forces démocratiques alliées) pour alimenter l’instabilité entre la RDC et le Rwanda. « Une attaque serait planifiée contre la RDC depuis un territoire sous contrôle ougandais afin d’en accuser Kampala », a-t-il ajouté.

Décryptage géopolitique et sécuritaire

Ces accusations, non vérifiées à ce stade par des sources indépendantes, s’inscrivent dans un contexte de recomposition stratégique en Afrique :

  • La Russie, via Wagner (désormais absorbé par des entités étatiques russes), renforce sa présence sécuritaire au Sahel, remplaçant progressivement les forces occidentales.
  • L’Ukraine, en guerre contre Moscou depuis 2022, voit ici son nom associé pour la première fois à des opérations de guerre par procuration sur le continent africain.
  • Le Sahel et l’Afrique centrale deviennent ainsi des zones de rivalité stratégique indirecte entre Moscou et Kiev, dans une logique d’extension de leurs théâtres d’affrontement.

Intérêts économiques et enjeux stratégiques

  • Contrôle des routes minières : RDC, Mali, RCA et Soudan sont riches en or, coltan, uranium, lithium – des ressources critiques dans les conflits hybrides.
  • Technologie de guerre légère : les drones de type Mavic, peu coûteux, sont devenus l’arme du pauvre… mais du stratège.
  • Positionnement des puissances : ces accusations interviennent alors que la Russie tente de reprendre l’initiative diplomatique à l’ONU, en dénonçant un prétendu « néocolonialisme occidental par drones interposés ».

Intelligence stratégique et guerre de l’information

Les propos d’Ivanov s’inscrivent dans une offensive narrative russe, visant à :

  1. Délégitimer Kiev sur la scène africaine, à l’heure où l’Ukraine tente de renforcer ses alliances dans le Sud global.
  2. Désigner un nouvel ennemi commun, alors que Moscou perd du terrain sur d’autres fronts diplomatiques.
  3. Justifier une présence militaire accrue, en invoquant la lutte contre le terrorisme et les “agents extérieurs”.

Silence de Kiev, prudence des analystes

Au moment de la publication, aucune réaction officielle ukrainienne n’a été enregistrée. Des observateurs estiment cependant que ces accusations pourraient aussi servir à préparer une campagne diplomatique russe au prochain sommet Russie-Afrique.

Un échiquier qui s’élargit

L’Afrique devient un nouvel espace de confrontation indirecte entre puissances belligérantes d’Europe de l’Est. L’intrusion supposée de l’Ukraine dans les affaires sécuritaires du Sahel pourrait, si elle était confirmée, modifier durablement les équilibres politiques et militaires en Afrique subsaharienne. Pour l’instant, la prudence reste de mise : la guerre de l’information bat son plein, les faits restent à établir, mais les signaux d’un nouvel arc de tension géostratégique sont bien là.

Noël Ndong

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