Soudan : El-Fashir sous le feu, l’ONU tire la sonnette d’alarme humanitaire et sécuritaireLundi 1 Septembre 2025 - 13:59 Antonio Guterres dénonce l’intensification des violences au Darfour-Nord, mettant en garde contre de graves violations du droit international humanitaire et une crise aux accents ethniques. Depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans une guerre meurtrière entre l’armée régulière (SAF) et les Forces de soutien rapide (FSR), une milice paramilitaire autrefois alliée au régime déchu d’Omar el-Béchir. Le conflit, initialement concentré à Khartoum, s’est étendu aux régions périphériques, notamment le Darfour, théâtre de violences ethniques récurrentes depuis les années 2000. Une ville assiégée, des civils pris au piège. El-Fashir, capitale du Darfour-Nord, est désormais l’épicentre d’une catastrophe humanitaire La ville, assiégée depuis plus de 500 jours, subit des bombardements quasi constants et des attaques ciblées, notamment sur le camp de déplacés d’Abu Shouk, où des signes de famine extrême avaient déjà été observés fin 2024. « Le secrétaire général est consterné par les attaques incessantes des Forces de soutien rapide contre El-Fashir », a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole d’Antonio Guterres. Les Nations unies ont documenté au moins 125 morts depuis le 11 août, évoquant également des exécutions sommaires et un risque accru de violences à caractère ethnique, en dépit des appels répétés au respect du droit international humanitaire. Les humanitaires entravés, la famine menace L’ONU signale que ses convois restent bloqués à l’extérieur de la ville, les accès humanitaires étant systématiquement entravés ou attaqués. Les FSR, accusées de viser délibérément les couloirs humanitaires et les camps civils, mettent en péril la survie de centaines de milliers de personnes. « Des fournitures sont prépositionnées, mais les attaques empêchent leur acheminement. La situation est d’une gravité extrême », affirme l’ONU. Un conflit aux racines ethno-politiques profondes. Le siège d’El-Fashir ravive les pires souvenirs du génocide du Darfour (2003-2008), où la milice Janjawid – ancêtre des FSR – avait été accusée de crimes contre l’humanité. Cette fois encore, des dynamiques ethniques sont à l’œuvre, notamment entre communautés arabes alliées aux FSR et populations zaghawas ou massalits, perçues comme proches de l’armée régulière. « Il y a un risque évident de nettoyage ethnique déguisé en bataille militaire », alerte un chercheur du Rift Valley Institute. Une diplomatie impuissante ? Alors que la communauté internationale semble paralysée, Ramtane Lamamra, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Soudan, poursuit ses tentatives de médiation. Mais les efforts de paix sont minés par la fragmentation des acteurs, les intérêts régionaux divergents (Égypte, Émirats, Russie) et la déliquescence des institutions soudanaises. « Le Soudan est sur le point de devenir une Libye bis : un État fantôme aux mains de seigneurs de guerre rivaux », prévient un diplomate onusien sous couvert d’anonymat. Vers un basculement irréversible ? Plus de 9 millions de personnes déplacées à l’intérieur du Soudan, plus de 15 000 morts documentés, des infrastructures médicales et logistiques anéanties : la guerre civile soudanaise prend des proportions régionales inquiétantes, avec des risques de débordement vers le Tchad, le Soudan du Sud et la Centrafrique. Antonio Guterres appelle à un cessez-le-feu immédiat autour d’El-Fashir, une protection des civils et un accès humanitaire sans entraves. Mais sans une pression diplomatique forte sur les parrains des factions belligérantes, la ville pourrait devenir le nouveau Srebrenica du XXIe siècle, aux portes d’un continent déjà ravagé par les conflits et l’impunité. Noël Ndong Notification:Non |