Art et culture : la Chine inaugure son premier musée dédié à l’Afrique

Portée par Ye Hailin, directeur de l’Institut Chine-Afrique, l'initiative vise à « faire découvrir au public chinois la richesse du patrimoine africain » tout en consolidant les ponts culturels entre les deux continents. Au-delà de la simple exposition d’objets et d’artefacts, le musée se veut un outil diplomatique et éducatif, intégré dans une vision plus large de coopération bilatérale Chine-Afrique. Des échanges entre artistes, chercheurs, étudiants et institutions culturelles sont prévus, de même que la création de cinq centres de recherche Chine-Afrique à vocation interdisciplinaire. « L’Afrique ne doit pas seulement être un partenaire économique, mais aussi une source de compréhension mutuelle et de respect culturel », a déclaré Ye Hailin.

Entre symbolisme et influence

L’annonce intervient dans un contexte de redéfinition du soft power chinois sur le continent africain. Après deux décennies de forte présence économique - investissements dans les infrastructures, prêts, partenariats agricoles-, Pékin cherche désormais à équilibrer sa stratégie d’influence en misant sur les leviers culturels et académiques. Selon le China-Africa Research Initiative (SAIS Johns Hopkins), les échanges culturels entre la Chine et l’Afrique ont quadruplé depuis 2010, avec plus de 60 000 étudiants africains accueillis dans les universités chinoises en 2023, contre 2 000 en 2003. Le futur musée pourrait aussi jouer un rôle symbolique dans le débat mondial sur la restitution du patrimoine culturel. Alors que l’Europe est régulièrement interpellée sur les spoliations coloniales, la Chine se positionne ici comme un partenaire « respectueux », mettant en avant une narration collaborative plutôt qu’impériale.

Enjeux pour l’Afrique : visibilité, récit global, diplomatie culturelle

Pour les pays africains, ce projet offre une tribune rare dans l’un des plus grands pays du monde. Il permet de reconstruire une image plurielle du continent, souvent stéréotypée, et de valoriser ses apports civilisationnels, de l’Égypte antique aux royaumes sahéliens, en passant par l’art contemporain africain. « Ce musée peut devenir un carrefour symbolique d’un nouvel ordre culturel multipolaire », analyse un chercheur béninois en muséologie.

Un musée, mille récits

Si le projet en est encore à ses débuts, il cristallise déjà de grands enjeux géopolitiques et symboliques : entre récits alternatifs de l’histoire mondiale, recherche de légitimité culturelle et stratégies d’influence, la Chine entend inscrire sa relation avec l’Afrique au-delà du langage des contrats et des chantiers. Et pour l’Afrique, c’est peut-être l’occasion de raconter elle-même son histoire, sur une scène mondiale - et dans une autre langue.