Election à la direction générale de l'Unesco: portrait du candidat Firmin Édouard Matoko par le magazine Jeune AfriqueMardi 30 Septembre 2025 - 11:21 À quelques jours de la 222e session du Conseil exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), le magazine Jeune Afrique, par son journaliste Olivier Caslin, dresse le portrait du candidat de la République du Congo, dans un article intitulé "De Brazzaville à Paris, le pari de Firmin Édouard Matoko, l’homme qui veut diriger l’Unesco" et publié le 29 septembre.
Depuis le 14 mars 2025, et pour la première fois depuis 1990, Firmin Édouard Matoko n’est plus fonctionnaire de l’Unesco. La veille, en annonçant officiellement sa candidature au poste de directeur général de cette institution – dont l’élection est prévue le 6 novembre, au cours de la 43e session de la Conférence générale de l’Unesco (qui se tiendra à Samarcande, en Ouzbékistan, du 30 octobre au 13 novembre) –, le Congolais a démissionné de ses fonctions de sous-directeur des relations extérieures de l’organisation, dans laquelle il a fait toute sa carrière pour, comme il le dit lui-même, « devenir un homme libre ». Une « liberté » qui en a surpris plus d’un, à commencer par son rival dans la compétition, le très médiatisé Khaled el-Enany, ancien ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités, en campagne active depuis deux ans. Longtemps seul en lice, l’Egyptologue se voyait peut-être le rester jusqu’à ce que, quelques jours avant la clôture du délai de dépôt des candidatures, celles de Matoko et de la Mexicaine Gabriela Ramos, également fonctionnaire de l’Unesco – qui s’est finalement retirée de la course le 22 août –, viennent changer la donne d’une partie que beaucoup pensaient jouée d’avance. Un diplomate aguerri À ceux qui lui ont reproché son annonce tardive, Firmin Édouard Matoko rétorque qu’il est « parti à l’heure », dans le respect des règles électorales internes, mais aussi de ses fonctions de « ministre des Affaires étrangères de l’Unesco », qu’il ne se voyait pas abandonner plus tôt. Pas plus, très certainement, qu’Audrey Azoulay, l’actuelle directrice générale de l’institution, ne l’aurait souhaité. C’est peu dire que Firmin Édouard Matoko a l’esprit maison. Simple expert rattaché au bureau régional de Dakar, au Sénégal, dans les années 1990, il a gravi les échelons au sein de l’Unesco, dont il a dirigé des bureaux en Afrique, en Amérique latine, à l’Union africaine (UA), jusqu’à se hisser, en 2017, au rang de sous-directeur général chargé de la priorité Afrique et des relations extérieures, au siège de l’organisation, à Paris. Numéro deux d’une institution qu’il connaît sur le bout des doigts, il peut s’imaginer un destin à la Kofi Annan, l’ex-secrétaire général des Nations unies (1997-2006), décédé en 2018, qui, lui aussi, était un pur produit onusien. À 69 ans, Édouard Matoko incarne cette génération de fonctionnaires internationaux issue des pays du Sud et entrée dans l’appareil onusien par conviction. « Ce n’est pas maintenant que je vais faire carrière ! », résume-t-il, comme pour mieux légitimer son objectif de transformer la machine onusienne de l’intérieur. « Après trois directeurs généraux venus de l’extérieur, pourquoi ne pas retenir une candidature interne ? », demande le candidat congolais. Denis Sassou N’Guesso soutient son « poulain » Si les deux candidats « internes » ont attendu pour déclarer leurs intentions, c’est aussi parce qu’ils avaient besoin pour cela du feu vert de leurs pays respectifs. « Le processus veut qu’un gouvernement présente son candidat. Ce n’est pas une candidature individuelle », précise Firmin Édouard Matoko, qui a fait part de son projet aux autorités congolaises en novembre 2023. Dès le mois de janvier 2024, et sur recommandation du Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, il présente son dossier au président, Denis Sassou N’Guesso (DSN), qui ne sera pas difficile à convaincre. Depuis, le chef de l’État congolais apporte un soutien indéfectible à la candidature de son compatriote en mettant les services concernés de l’administration à sa disposition ou en abordant directement le sujet avec ses interlocuteurs étrangers, à chaque rencontre bilatérale ou multilatérale. Dès le mois de février, DSN avait, d’ailleurs, convié le candidat Matoko à l’accompagner au 38e sommet de l’UA, qui se tenait à Addis-Abeba. L’occasion pour lui de présenter son « poulain » à ses homologues et de prendre la température dans une enceinte continentale officiellement engagée depuis longtemps derrière le concurrent égyptien. Quelques semaines plus tard, la décision était prise : la République du Congo se lançait dans la course. Campagne d’influence Firmin Édouard Matoko a déjà fait plusieurs tours du monde dans le cadre de ses multiples fonctions à l’Unesco. Depuis le mois de juin, il le fait « en accéléré » : tournée en Asie en juin, en Europe centrale fin août, en Amérique latine en septembre… S’il a pu penser un temps que sa notoriété au sein de la maison pouvait suffire à l’exonérer d’un tel périple, l’ampleur de la campagne d’influence menée depuis de longs mois par la candidature égyptienne l’a rapidement convaincu du contraire. Firmin Edouard Matoko, en avril 2025 L’objectif du Congolais est simple : visiter chacun des 58 pays qui composent le Conseil exécutif de l’Unesco. Car c’est ce dernier qui, début octobre, doit désigner son favori et proposer son nom, le 6 novembre, au vote des 193 membres de l’organisation réunis à Samarcande pour la Conférence générale. L’ex-fonctionnaire international accompagne donc le ministre congolais des Affaires étrangères, Jean-Claude Gakosso, ainsi que les autres membres du gouvernement et leurs représentants dans leurs missions diplomatiques aux quatre coins de la planète Unesco, avec une attention toute particulière aux pays africains. Très bien accueilli, en juillet, par les poids lourds du continent que sont l’Afrique du Sud, le Nigeria et la Côte d’Ivoire, mais aussi par le Gabon, le Botswana, le Burkina Faso, le Liberia ou encore Maurice – entre autres –, le candidat congolais veut plus que jamais croire en ses chances. Comme le rappelle l’un de ses accompagnateurs, « à part le chef de l’État angolais, João Lourenço, son président en exercice, personne n’a mentionné la position de l’UA », laquelle avait réitéré son soutien à la candidature El-Enany en mai. Cela n’a pas empêché la vice-présidente de la Commission de l’UA, l’Algérienne Selma Malika Haddadi, d’adresser ses vœux de réussite à la candidature congolaise lors de la visite du duo Gakosso-Matoko au siège de l’organisation panafricaine, à Addis-Abeba, le 11 août. Il était une fois, en Italie… Être élu à la direction de l’Unesco pour la période 2025-2029 serait une consécration pour Firmin Édouard Matoko, économiste de formation, féru de latin et de grec ancien, devenu, au fil de sa carrière, un diplomate chevronné, doublé d’un spécialiste des politiques culturelles et éducatives. Lorsqu’il passe son baccalauréat au lycée Chaminade de Brazzaville, Firmin Matoko envisage une carrière de professeur d’université, jusqu’à ce que sa passion pour l’italien lui ouvre indirectement les portes de l’Unesco. Après s’être vu accorder une bourse par la coopération italienne, il a 20 ans, en 1976, il débarque à l’université La Sapienza, à Rome, dont il sort quatre ans plus tard titulaire d’un doctorat en économie et commerce. Il séjourne à Milan, Pérouse et Pise, avant de s’inscrire à l’institut Cesare Alfieri de Florence, où il obtient un diplôme d’études supérieures en relations internationales en 1983. Parmi ses professeurs se trouve le futur président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. L’étudiant Matoko rentre ensuite à Rome afin de poursuivre ses travaux de recherche, tout en commençant à travailler à la formation des jeunes coopérants italiens envoyés en Afrique. C’est là que le gouvernement italien vient lui faire la proposition de sa vie : intégrer le système onusien, à l’Unesco. « Je leur en serai toujours reconnaissant », souligne Firmin Édouard Matoko en pensant à ses mentors italiens. Sous la bannière de l’Unesco, le Congolais a collectionné les responsabilités dans les bureaux régionaux de l’organisation et à son siège parisien. Il a connu les jours heureux et les périodes de crise, comme quand il s’agissait de faire avancer la paix au Nicaragua et au Cambodge, ou de repositionner l’organisation en Irak et au Koweït à la fin de la première guerre du Golfe. « J’ai bien bourlingué », confirme-t-il. Firmin Édouard Matoko a ensuite endossé « le costume du bureaucrate », comme il dit, pendant la deuxième partie de sa carrière. Une carrière qu’il pourrait donc prolonger en cas de succès le 6 novembre. « Mon CV parle pour moi », conclut simplement celui qui, après avoir assisté, de l’intérieur, à cinq élections au poste de directeur général de l’Unesco, travaille désormais à remporter la sixième.
De passage à Paris, Firmin Édouard Matoko a répondu à Christophe Boisbouvier de RFI le mardi 30 septembre 2025 Pour la succession à la tête de l’Unesco: «Je suis candidat de toutes les nations, de tous les peuples». « Je suis un homme du sérail, mais pas un apparatchik », affirme le Congolais. Transcription de Marie Alfred Ngoma Légendes et crédits photo :Firmin Édouard Matoko / DR Notification:Non |