Disparition : l’artiste congolais Pierre Moutouari n’est plusJeudi 9 Octobre 2025 - 14:45 La musique congolaise est en deuil. Pierre Moutouari, l’un de ses plus grands ambassadeurs, s’est éteint le 8 octobre, à l’âge de 75 ans, à l’hôpital Simone-Weil à Enghien-les-Bains, près de Paris, des suites d’une maladie. L’auteur de la célèbre chanson « Missengué » a laissé derrière lui un héritage musical éternel. Sa dernière apparition médiatique remonte au lancement international de la onzième édition du Fespam, au siège de l’Unesco, le 5 juin 2023.
De Pierre Moutouari, l’histoire retiendra qu’il a fait son entrée dans l’orchestre Sinza Kotoko en 1968, après avoir remporté le premier Prix d’un concours de chant amateur organisé par le ministère de la Culture et des Arts de la République du Congo de l’époque, alors qu’il n’était âgé que de 18 ans. L’orchestre Sinza est au seuil de son ascension vers la célébrité avec un programme complet de concerts à Brazzaville et en Afrique centrale, sanctionné par la signature d’un contrat d’enregistrement avec Pathé Marconi, en France, qui produit ses œuvres. Son arrivée dans Sinza Kotoko est un tournant pour ce groupe dans son parcours musical. Il apporte une nouvelle couleur dans le répertoire de l’orchestre qui connaît un immense succès à travers ses titres qui emballent le public, à savoir "Vévé", "Maloukoula", "Mahoungou", fruit d’un travail bien fait par une équipe cohérente et solide. Ces titres à succès inaugurent la valorisation excessive du "sebêne" ayant pour base la cadence et où la danse Soukouss est mise en exergue par le nouvel orchestre ; une danse qui, par la suite, deviendra très populaire en Afrique de l’Ouest. Lors de la participation de Sinza Kotoko au premier Festival panafricain de la jeunesse organisé en juin 1973 à Tunis, Pierre Moutouari tient la dragée haute aux côtés d’Ange Linaud Ngendo et de Théo Bitsikou (chanteurs de l’orchestre Nzoi) venus renforcer l’attaque chant du groupe sur instruction du ministère de la Culture et des Arts. L’orchestre Sinza Kotoko remporte, au cours de ce festival, la médaille d’or, en dépit de la présence de Tabu Ley Rochereau et de l’Afrisa. En 1975, Pierre Moutouari quitte Sinza Kotoko et crée son propre groupe dénommé Les Sossa qu’il abandonnera plus tard pour s’installer à Paris, en 1979, où il opte pour une carrière en solo. Il collabore avec le célèbre artiste Jacob Desvarieux, le guitariste talentueux Master Mouana Congo et Sammy Massamba. Pierre Moutouari lance sur le marché plusieurs albums au cours des années suivantes, produits aux éditions Safari Ambiance, dont "Le grand retour de Pierre Moutouari"’ avec les titres "Tout bouge", "Tremblement de terre". Signalons que d’autres tubes à succès tels que "Aïssa", "Saïlé", "Mbekani", et "Koundou" ont fait un tabac dans le macrocosme musical congolais et africain. À partir de 1981, avec le concours d’autres artistes congolais installés à Paris, il lance sur le marché plusieurs tubes dont "Missengue", "Julienne" et "Mahoungou" ; un tube explosif qui a secoué l’écosystème musical africain, d’abord sorti en 1973 dans Sinza Kotoko en format 45 tours avant de connaître d’autres parutions en raison de l’ampleur de son succès. En 1986, Pierre Moutouari rentre au bercail et se consacre à l’encadrement des jeunes artistes, dont sa fille aînée Michaëlle, dans l’album "Héritage". En 1994, il décroche le trophée "Ngoma Africa" à Kinshasa, en compagnie d’autres artistes comme Miriam Makeba, Khaled et Aïcha Kone. En 2005, il sort l’album "Songa Nzila". Après un long parcours fastueux dans la scène musicale congolaise et africaine, Pierre Moutouari est terrassé par la maladie et s’installe dans la région parisienne où il va subir des soins médicaux. Depuis 2006, il effectue des allers et retours entre Paris et Pointe-Noire où il est tenancier d’un bar dancing. Pour des raisons de santé, il décide de mettre sa carrière musicale entre parenthèses pour s’occuper de sa rééducation articulaire et musculaire. Suite à son état de santé qui connaît une amélioration et pour éviter de tomber dans l’oubli, il s’oriente vers de nouvelles activités scéniques et caritatives. Il est au chevet des enfants malvoyants de la Guinée-Bissau où il a participé, en septembre 2020, à des concerts en play-back dont les recettes ont servi aux aveugles et malvoyants. A noter qu’il y est considéré comme une grande vedette où ses œuvres sont très populaires et très saluées par les autorités de ce pays. Parallèlement à plusieurs tentatives de retour sur scène, Pierre Moutouari est demeuré disponible dans le monde musical, toujours prêt à permettre de découvrir, ou à lancer, de jeunes artistes. Malgré les épreuves, les conflits et la maladie, Pierre Moutouari n’a jamais cessé d’incarner la passion, la rigueur et l’élégance musicale congolaise. Chanteur, compositeur, mentor et distributeur de musique, il a traversé les décennies avec la même ferveur. Depuis l’annonce de sa disparition, les hommages affluent de partout sur la toile. Les mélomanes saluent « un pilier de la rumba et du soukouss », un artiste dont la voix a bercé plusieurs générations. « Adieu l’artiste. La scène congolaise perd une légende, mais sa musique, elle, restera éternelle », peut-on lire dans un post.
Marie Alfred Ngoma et Merveille Jessica Atipo Légendes et crédits photo :Pierre Moutouari Notification:Non |