Rémunérer la protection des forêts : l'énorme fonds que le Brésil veut lancer à la COP30Mercredi 5 Novembre 2025 - 17:17 Gagner de l'argent en protégeant des forêts ? C'est l'idée du fonds d'investissement que lancera le Brésil jeudi avant la COP30, mais reste à savoir quels pays et quels investisseurs y contribueront. Le Brésil veut lever 125 milliards de dollars auprès des gouvernements et des investisseurs privés pour abonder ce fonds appelé la "Tropical Forests Forever Facility" (TFFF). Son fonctionnement est original : les fonds seront investis sur les marchés, et les gains serviront à verser chaque année à des pays en développement une somme pour chaque hectare préservé de forêt, puissant élément naturel pour freiner le changement climatique et réservoir de biodiversité. Accueillie au départ avec intérêt, cette "Facilité de financement des forêts tropicales" suscite aujourd'hui un enthousiasme plus modéré. Pourquoi ce fonds ? La majeure partie des forêts primaires mondiales se situent dans les pays tropicaux où il est plus rentable d'abattre des arbres que de les préserver. Des décennies de promesses faites par les pays riches pour financer la lutte contre la déforestation ne se sont pas concrétisées, note João Paulo de Resende, conseiller spécial pour le climat au ministère brésilien des Finances. Malgré certains progrès comme au Brésil, la déforestation mondiale reste à des niveaux record. En 2024, l'équivalent de 18 terrains de football de forêt primaire ont disparu chaque minute. C'est un problème majeur pour la planète : les forêts tropicales contribuent à la régulation du climat, et leur destruction libère du carbone. Elles sont également d'importants réservoirs de biodiversité: les forets abritent 75% de la faune et la flore mondiales dont les deux tiers dans les forêts tropicales. Comment fonctionnera le fonds? Il doit d'abord trouver 25 milliards de dollars auprès de gouvernements "sponsors" désireux de renforcer leur image et prêts à assumer les éventuelles pertes initiales. Après ces pionniers, le Brésil espère attirer 100 milliards de dollars supplémentaires d'investisseurs privés, en priorité des fonds de pension et des fonds souverains. Le capital sera investi dans un "portefeuille diversifié d'obligations de longue durée et bien notées", principalement dans les marchés émergents. Les profits, après paiement des intérêts aux investisseurs, seront reversés aux pays tropicaux présentant de faibles taux de déforestation, confirmés par observation satellitaire. Cette approche diffère des marchés carbone ou du modèle traditionnel de subventions et d'aide, où les dons sont alloués à des projets spécifiques de conservation des forêts, explique Pakhi Das, qui a étudié le projet pour l'association Plant-for-the-Planet. Qui en bénéficiera ? Le Brésil prévoit que le fonds générera quatre milliards de dollars par an pour la conservation. Il a identifié 74 pays riches en forêts susceptibles de se partager les bénéfices, selon une note de synthèse. En réalité, un petit nombre de pays seront éligibles dans un premier temps. Seuls ceux affichant un faible taux annuel de déforestation (inférieur à 0,5%) rempliront les conditions, et ce taux devra être maintenu année après année pour continuer à percevoir les paiements. Le Brésil, l'Indonésie et la République démocratique du Congo pourraient, en théorie, empocher chacun des centaines de millions de dollars par an s'ils parvenaient à éradiquer totalement la déforestation. Cela devrait inciter d'autres pays à redoubler d'efforts, selon des experts. Dans de nombreux cas, le montant potentiel des versements représente le double, voire le triple, de ce que les gouvernements ou les donateurs internationaux financent actuellement pour la conservation des forêts. Le fonds pourrait être lancé sans avoir la totalité des 25 milliards de dollars de capital initial. A ce jour, seul le Brésil s'est engagé à contribuer. Des diplomates s'interrogent sur les procédures de contrôle du fonds et sur sa capacité à décrocher la notation de crédit élevée requise pour attirer les investisseurs. Certaines ONG comme Global Forest Coalition estiment que ce fonds est une fausse solution, dénonçant un capitalisme vert et des carences techniques. Mais pour d'autres observateurs, comme Mauricio Voivodic, directeur du WWF Brésil, "cela vaut mieux que d'attendre la solution parfaite. Il n'y a pas de solution miracle". D'après AFP Notification:Non |










