Cemac : la BEAC resserre l’étau monétaire pour protéger le franc CFAJeudi 18 Décembre 2025 - 10:13 Hausse des taux directeurs, réserves de change sous pression et arbitrage délicat entre stabilité financière, croissance et gouvernance économique en Afrique centrale. La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a de nouveau durci sa politique monétaire lors de la session du 15 décembre à Yaoundé, en relevant ses principaux taux directeurs. Une décision technique en apparence mais lourde d’enjeux régionaux, géoéconomiques et géopolitiques pour la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), confrontée à une fragilisation progressive de ses équilibres externes. Le taux d’intérêt des appels d’offres est passé de 4,50 % à 4,75 %, tandis que celui de la facilité de prêt marginal a été relevé de 6,00 % à 6,25 %. L’objectif est explicite : enrayer l’érosion des réserves de change et préserver la crédibilité du franc CFA. Selon les projections, la couverture extérieure de la zone devrait tomber à 4,2 mois d’importations en 2025, contre 4,9 mois un an plus tôt. Dans une union monétaire arrimée à l’euro, la discipline macroéconomique reste un pilier stratégique, autant pour la stabilité financière que pour la confiance des partenaires extérieurs. Sur le plan géoéconomique, ce resserrement souligne un arbitrage délicat. La croissance régionale est attendue à seulement 2,4 % en 2025, un niveau insuffisant pour absorber la dynamique démographique et répondre aux attentes sociales. En renchérissant le coût du crédit, la BEAC prend le risque de freiner l’investissement privé et le financement des économies, déjà fortement dépendantes des secteurs extractifs et exposées à la volatilité des prix internationaux des matières premières. La dimension géopolitique de la décision est tout aussi centrale. Dans un environnement international marqué par des conditions financières plus restrictives et une sélectivité accrue des investisseurs, la Cemac cherche à envoyer un signal de rigueur aux marchés et aux bailleurs, au premier rang desquels le Fonds monétaire international. La défense de la parité du franc CFA demeure un enjeu de stabilité régionale dans un espace fragilisé par les transitions politiques, l’insécurité et la vulnérabilité des recettes pétrolières. En matière de gouvernance, la BEAC apparaît une nouvelle fois en première ligne pour compenser les faiblesses structurelles des États membres. Déficits budgétaires persistants, lenteur des réformes de diversification économique, mobilisation fiscale insuffisante et gestion inégale des finances publiques font peser l’essentiel de l’ajustement sur l’outil monétaire. Or, celui-ci ne peut durablement se substituer à des politiques budgétaires crédibles et coordonnées. En resserrant sa politique, la BEAC gagne du temps et protège l’ancrage monétaire de la zone. Mais sans progrès tangibles en matière de gouvernance économique, d’intégration régionale et de discipline budgétaire, la stabilité du franc CFA en Afrique centrale restera sous tension, exposée aux chocs externes comme aux fragilités internes. Noël Ndong Notification:Non |










