Aide au développement : l’AFD contrainte de tourner la page africaine

Vendredi 26 Décembre 2025 - 12:54

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Quand les coupes budgétaires et la géopolitique redessinent l’aide au développement. 

L’année 2025 marque un tournant brutal pour l’aide publique au développement. Sous l’effet de restrictions budgétaires sévères et d’un contexte géopolitique en pleine recomposition, l’Agence française de développement (AFD) est contrainte de revoir en profondeur sa stratégie. Le signal est clair : en 2026, l’Afrique ne représentera plus que 30 % des activités de l’agence, contre une place historiquement centrale. Un basculement lourd de sens, assumé sans détour par le chef économiste de l’AFD, Thomas Melonio, dans un entretien à L’Express. Cette inflexion ne relève pas d’un simple ajustement comptable. Elle s’inscrit dans un environnement international marqué par un repli spectaculaire de l’aide occidentale. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a entraîné la disparition de l’USAID, symbole d’un désengagement américain sans précédent. En Europe, la tendance est similaire. En France, le budget de l’aide publique a été amputé de 37 % en 2025, et de nouvelles coupes sont déjà annoncées. Pour l’AFD, l’équation devient existentielle : faire moins, plus vite, et sous contrainte politique.

Longtemps pilier de la coopération française en Afrique - finançant routes, hôpitaux, écoles, projets climatiques - l’agence entre dans une phase de recentrage sélectif. Il ne s’agit pas d’un retrait total du continent, mais d’un tri rigoureux des projets, désormais évalués à l’aune de leur rentabilité, de leur impact mesurable et de leur alignement avec les priorités diplomatiques françaises. « Maximiser l’impact » devient le nouveau mantra, au détriment d’une approche plus globale du développement. Cette mutation reflète aussi l’évolution du rapport entre l’Afrique et ses partenaires traditionnels. De nombreux États africains revendiquent aujourd’hui une plus grande souveraineté stratégique, diversifient leurs alliances vers la Chine, les pays du Golfe ou la Russie, et contestent parfois les cadres classiques de l’aide occidentale. Dans ce paysage concurrentiel, l’AFD voit sa légitimité challengée, contrainte de s’adapter à des attentes plus exigeantes et à une influence française en recul.

Les conséquences, elles, sont potentiellement lourdes. La contraction de l’aide européenne intervient au moment où les besoins africains explosent : pression démographique, urgence climatique, fragilités sécuritaires. Le risque est celui d’un décrochage silencieux, où les investissements sociaux et environnementaux deviennent les premières victimes des arbitrages budgétaires du Nord. Au-delà du cas de l’AFD, c’est toute la philosophie de l’aide au développement qui vacille. Dans un monde dominé par les impératifs sécuritaires, industriels et migratoires, le développement semble relégué au second plan. En réduisant le poids de l’Afrique dans son action, l’agence française acte une réalité inconfortable : le désengagement n’est plus un tabou, mais une contrainte stratégique.

Noël Ndong

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