Cinéma congolais : Christelle Nanda, l’exigence artistique récompenséeMardi 30 Décembre 2025 - 15:40 Doublement distinguée du prix de la Meilleure actrice de la République du Congo en RDC et du Prix du Mérite Denis-Sassou-N’Guesso pour son interprétation dans le film « Violent » d’Albe Diaho, Christelle Nanda signe un retour marquant sur la scène cinématographique. Entre rigueur artistique, rôles exigeants et engagement pour l’évolution du cinéma congolais. L’actrice revient sur une reconnaissance qu’elle considère avant tout comme une responsabilité et un moteur pour la suite de son parcours. Entretien.
Christelle Nanda: Sur le plan personnel, ces deux prix sont une grande source de fierté et de motivation : ils valident un parcours fait de travail, de doutes et de passion. Sur le plan professionnel, ils représentent une reconnaissance forte de mon engagement et donnent encore plus de sens et de visibilité à mon travail. Je le vois davantage comme une étape importante que comme une consécration. C’est une reconnaissance précieuse du chemin parcouru, mais surtout un engagement pour la suite : ces prix m’encouragent à aller plus loin, à rester exigeante et à continuer à me renouveler. L.D.B: Quel a été le plus grand défi artistique ou humain dans les rôles qui vous ont valu ces distinctions ? C.N: Un défi artistique ou humain dans un rôle qui peut apporter une distinction à un acteur tient souvent au fait qu’il le pousse hors de sa zone de confort, tout en révélant une grande profondeur de jeu d’acteur. Parmi les défis artistiques je prendrai le personnage de Therez dans Violent d’Albe Diaho, il fallait jouer avec peu de dialogues, ça implique de faire passer des émotions complexes uniquement par la gestuelle, le corps, le regard, le silence quelques fois. Il fallait aussi être présente dans la majorité des scènes et il faut donc maintenir la constance. Et pour finir, il faut avoir la maîtrise de la contrainte technique comme les tournages en chronologie inversée, tourner en 4 jours par exemple, ça demande de l’endurance. En termes de défi humain, c’est la représentation d’une expérience de vie douloureuse ou taboue de manière respectueuse : ici dans le film Violent c’est la violence conjugale. Il fallait montrer une vulnérabilité authentique. L.DB. : En quoi ce personnage vous a-t-il transformé ? C.N : Therez m’a transformé parce qu’il (le personnage) m’a confronté à une forme de violence silencieuse et intérieure, très différente de la violence spectaculaire. En m’identifiant à Therez, j’ai appris à comprendre que l’essentiel ne se dit pas forcément, mais se ressent. Ce personnage m’a obligé à réfléchir à la responsabilité individuelle, à la manière dont des choix, même discrets ou mal assumés, peuvent avoir des conséquences profondes sur soi et sur les autres. Il m’a fait prendre conscience de la fragilité humaine et à développer davantage d’empathie. L.D.B: Selon vous qu’est ce que ces prix représentent aujourd’hui sur l’évolution du cinéma congolais et la place des femmes actrices ? C.N: : ils prouvent qu’aujourd’hui le cinéma congolais s’affirme de plus en plus à travers la qualité et la force de ses œuvres. IL rayonne au-délà de nos frontières et nous souhaitons que des mécanismes solides soient davantage mis en place afin que les films et les métiers du cinéma soient également valorisés et vulgarisés à l’intérieur de notre pays. Les prix que j’ai gagnés disent aussi que la place des femmes actrices est en train d’évoluer. Ils montrent que lorsque les femmes ont l’opportunité d’exprimer pleinement leur talent, leur travail peut être reconnu au plus haut niveau, au même titre que celui des hommes. L.D.B: Comment les médias peuvent-ils accompagner cette évolution ? C.N: Les médias congolais ont un rôle fondamental à jouer dans l’évolution de notre cinéma et plus largement dans le développement de la culture et des métiers de l’art. Une industrie culturelle ne peut pas se construire sans des médias actifs, curieux et engagés, capables de documenter, d’analyser et de valoriser la création locale. Aujourd’hui il existe encore un manque de spécialisation dans le traitement de l’information culturelle. Très peu de journalistes sont réellement formés ou dédiés aux domaines comme le cinéma, la mode, la musique, le théâtre ou les arts visuels. Cette situation entraine souvent une couverture limitée, parfois approximative, voire inexistante, alors même que beaucoup de choses se passent autour de nous. Les médias ne devraient pas être en retrait, ils devraient suivre le processus de création, comprendre les enjeux économiques et artistiques. C’est ainsi qu’ils pourront jouer pleinement leur rôle de passeurs, de critiques et de mémoire culturelle. L.D.B: Comment comptez-vous mettre à profit cette reconnaissance dans vos projets futurs ou vos engagements artistiques ? C.N : Cette reconnaissance me donne d’abord plus de légitimité pour choisir des projets exigeants, porteurs de sens et pour défendre des personnages féminins forts, complexes et ancrés dans nos réalités. Concrètement, je compte mettre ces prix au service de projets qui racontent nos histoires, qui interrogent notre société et qui participent à la construction d’un cinéma congolais ambitieux, crédible et respecté. LDBC: Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes femmes et particulièrement aux jeunes actrices qui rêvent de suivre vos pas malgré les obstacles ? C.N : Le message que je souhaite adresser aux jeunes femmes et aux jeunes actrices, c’est d’abord de croire en leur rêve sans se trahir. Ce métier est exigeant, parfois dur, souvent ingrat, mais c’est justement cette difficulté qui en fait toute la beauté et la noblesse. Rien ne s’obtient facilement ni gratuitement. Je les invite à rester attachées à leurs valeurs : la constance dans le travail, la patience, le respect de soi et des autres. Il est essentiel de faire des choix artistiques conscients, de savoir dire non quand il le faut et d’avoir du discernement face aux opportunités qui ne correspondent pas à ce que l’on est ou à ce que l’on veut devenir.
Propos recueillis par Durly Emilia Gankama Légendes et crédits photo :Christelle Nanda présentant le prix Denis-Sassou-N'Guesso Notification:Non |


Les Dépêches de Brazzaville : Que représentent ces prix pour vous ? tant sur le plan personnel que professionnel ?







