Conférence-débat : Le Potentiel et CNC se penchent sur « Guerre d'usure et instabilité en RDC »

Mardi 18 Août 2015 - 13:11

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Le Groupe de presse Le Potentiel, Radio Télé7 et l’ASBL Conscience nationale congolais (CNC) ont organisé, le 15 août, à la paroisse Notre-Dame-de-Fatima à Gombe/Kinshasa un colloque sur le  thème « Guerre d’usure et instabilité en RDC ». Trois principaux orateurs ont livré leurs réflexions par rapport à ce thème.

Freddy Mulumba, vice-président du groupe de presse Le Potentiel, a discouru sur « Les îlots de stabilité dans l’est de la RDC et après ? ». Le Congo est en instabilité depuis 20 ans, mais cela ne suscite pas des débats de fonds dans le chef des intellectuels. « On ne se pose pas de questions sur les raisons de cette instabilité depuis 1994 », a-t-il dit.  Freddy Mulumba a étayé sa réflexion en évoquant la reconfiguration de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Congo (Monusco), les îlots de stabilité et leurs contradictions. La mise en place des îlots de stabilité dans l’est du pays par la Monusco font partie des stratégies du projet de balkanisation de la RDC. C’est le postulat de l’orateur. Depuis l’arrivée en 1999 de la Monuc après l’agression de la RDC par le Rwanda en 1998, a fait remarquer Mulumba, les opérations de maintien de la paix sont devenues multifonctionnelles, intégrant aussi la dimension politique. Installée d’abord à Kinshasa, la Monuc devenue Monusco en 2010 a transféré en 2013 tout son état-major à Goma au Nord-Kivu, où sont également concentrées les ONG internationales présentes en RDC. Et Freddy de faire le rapprochement avec les évènements qui ont précédé la création du Soudan du Sud, issu de la Balkanisation du Soudan, avec comme soubassement le pétrole. La Mission des Nations unies au Soudan (Minus) avait également transféré son état-major de Khartoum à Juba, actuelle capitale du Soudan du Sud. Ensuite, la mission n’était plus le maintien de la paix, mais le développement. « La Monuc est entrée à l’Ouest pour sortir à l’Est. Va-t-on connaitre un référendum comme au Sud-Soudan ?», s’est-il préoccupé. Pour Freddy Mulumba, le scenario de la balkanisation du pays est en marche, en douce, avec la mise en place de ces îlots de stabilité, nonobstant les contradictions de ces îlots avec l’insécurité ambiante dans ces zones de stabilité, générée par des milices non désarmées et opérant au vu et au su des casques bleus. L’autre contradiction est que les Anglo-Saxons, qui ont soutenu toutes les guerres que la RDC connaît depuis 1998, contribuent à la mise en place des îlots de  stabilité.

L’orateur a appuyé ses allégations avec les déclarations des personnalités américaines comme Herman Cohen, ancien secrétaire d’État adjoint aux affaires africaines, qui déclara : « La seule manière de procéder consiste à adopter une solution subtile bénéficiant de l’appui de la communauté internationale », ou encore « au Département d’État, le Kivu fait partie du Rwanda » ; Carson Johnnie, ancien ambassadeur africain dans plusieurs pays africains a déclaré une fois : « Nous sommes parvenus à une telle solution pour mettre un terme au conflit dans l’ex-Yougoslavie par le biais des Accords de Dayton. Nous avons réussi à mettre un terme à la plus longue guerre civile qu’ait connue l’Afrique, le conflit au Soudan, grâce à l’Accord de paix global négocié par les États membres de l’EGAD et appuyé par les États-Unis, la Norvège et la Grande-Bretagne ». Et Mulumba d’exhorter : « Le peuple congolais ne doit pas être naïf en croyant qu’il peut être sauvé par l’ONU noyautée par les multinationales occidentale et les lobbyistes. Le gouvernement doit suivre de plus près la présence de la Monusco dans l’Est et informé la population à travers la presse. Il faut une mobilisation de toute la population qui est capable de s’opposer aux ambitions des puissances occidentales de balkanisation et d’implosion de la RDC ».

« Les effets de Berlin sur l’Afrique » a été le sous-thème abordé par le premier conférencier, le chercheur panafricain Agamaka Baza Mata. Il s’est plongé dans l’histoire, notamment la conférence de Berlin de 1885 où quatorze puissances occidentales de l’époque se sont retrouvées pour se partager des zones d’influence en Afrique. Et le Congo qui expérimentait déjà la mondialisation, dit-il, avait été le grand sujet de la conférence ; et ces assises ont résolu que cet espace au cœur de l’Afrique appartient à la Communauté internationale.  Malgré l’indépendance acquise en 1960 qui était, pour la communauté internationale, comme un coup d’État mettant fin à la colonisation, ces grandes puissances n’ont eu de cesse d’imposer leurs vues en RDC. Un mois après cette accession à la souveraineté nationale et internationale, les troubles ont repris avec des sécessions. Et chaque fois que les dirigeants du pays ne garantissent pas les intérêts de ces puissances, ces dernières mettent tout en branle, par des guerres et rébellions, pour changer les choses et accéder à nouveau aux ressources du pays. C’est le cas de la rébellion du M23 soutenue de manière ostentatoire par le Rwanda et l’Ouganda, affirme Agamaka. Même si elle a pris fin militairement le 5 novembre 2013, mais la guerre persiste dans l’Est du pays, maintenant l’insécurité et l’instabilité avec la présence des troupes étrangères sur le sol congolais. Agamaka soutient mordicus qu’aujourd’hui, les occidentaux ne peuvent revendiquer un quelconque droit d’ingérence sur la RDC. Tous les documents signés dans ce sens par des anciens chefs coutumiers sont nuls et faux.

Également intervenant à la conférence-débat,  Antoine Lokongo, docteur en politique internationale de l’Université de Pékin, a planché sur le « Rapport entre les intérêts stratégiques américains et guerre d’usure en RDC (de 1982 à 2013) », sujet tiré de sa thèse de doctorat intitulé « Rapport entre les intérêts stratégiques américains et les guerres d’usure au Congo ». Il fait voir que les guerres d’usure en RDC ont pour origine quatre grandes politiques des USA, adoptées depuis le début de la fin de la guerre froide jusqu’en 2013. Il s’agit de la politique sur le cobalt congolais (En 1982, les USA veulent avoir le monopole d’exploitation de ce minerais pour leur industrie) qui a été, selon lui, à la base de la guerre de Kolwezi ; du plan Bechtel (consistant à octroyer aux américains l’exploitation de l’essentiel des minerais de la RDC) récusé par Laurent Désiré Kabila et qui a conduit à la guerre d’août 1998 et à son assassinat ; de la loi Obama sur l’intervention humanitaire en RDC (2006) qui a servi de prétexte au CNDP de Nkunda Batware de lancer la rébellion ; la politique de balkanisation de la RDC (2013) exprimée par Russ Feingold, ancien émissaire de Barack Obama dans la région des Grands lacs, et qui a conduit à la guerre du M23. Pour lui, les États-Unis, première puissance libérale du monde, doivent accepter que la RDC  commerce avec le partenaire de son choix sans chaque fois lui créer des rebellions et autre instabilités politiques.

Des questions et avis de l’assistance ont enrichi encore plus le débat. Le général Malu Malu a indiqué que l’un des gros problèmes de la RDC se situe au niveau de son armée qui n’est pas disciplinée, efficace, équipée, compétente et capable de défendre les frontières nationales. Pour sa part, le Pr Kabeya a noté que la société civile, cœur culturel et social de la nation, a, en tant qu’une plate-forme, une responsabilité écrasante de stabilisation et de lancement d’un État. « Les problèmes de la RDC, nous le connaissons, les solutions, nous les connaissons aussi. C’est la volonté politique que nous ne connaissons pas », a dit en substance Pierre Mbemba qui a aussi chargé les intellectuels congolais pas suffisamment concernés des problèmes congolais.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Les orateurs de la conférence-débat

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