Evocation : Ekiaye-Ackoly Wamene : « Le recours aux normes éthiques, déontologiques et légales constitue le premier argument, vers cette espèce d’’affranchissement’’» de la presse.

Mardi 31 Janvier 2017 - 12:39

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De son vivant, Ekiaye-Ackoly Wamene avait pour crédo la responsabilité et la crédibilité de la presse congolaise. La Semaine Africaine a du reste fait écho à ce  combat à travers une interview publiée aux Dépêches de Brazzaville n° 819, parues le mardi 15 septembre 2009 à la suite du discours d’investiture du président de la République, Denis Sassou N’Guesso. Alors Vice-président du Conseil supérieur de la liberté de communication, Ekiaye-Ackoly Wamene appela les professionnels congolais des médias à «marquer la rupture » pour «devenir davantage crédibles ».

Il y a six ans, jour pour jour, que la mort, cruelle, arracha à l’affection de ses parents, amis et connaissances et, surtout, à celle des professionnels de l’information et de la communication, un professionnel rompu, une des figures emblématiques de la presse congolaise et même africaine, en la personne de M. Ekiaye-Ackoly Wamene, décédé à Paris, le 31 janvier 2011. Journaliste et politologue, il plaçait le respect par les journalistes des normes déontologiques et légales de leur profession au cœur de ses préoccupations. Pour lui, ce respect des normes protégeait mieux les journalistes  des pressions éventuelles.

À la faveur du sixième et triste anniversaire de sa disparition, nous lui rendons hommage, en publiant quelques extraits de cette interview. Le dernier message des vœux à la nation du chef de l’Etat a redonné un sens actuel à ces mots d’antan sortis d’un journaliste éclairé. 

Dans son discours d’investiture en 2009, le président de la République, Denis Sassou N’Guesso invitait les Congolais au changement, en déclarant : « Adonnez-vous désormais à la rigueur du gain mérité et non aux délices trop faciles et honteux de la magouille. Convertissez-vous à la religion du travail bien fait. Visez tous et pour tout l’Excellence. Jetez bas la médiocrité, la tricherie et toutes les autres antivaleurs ».

Commentant ce discours à travers l’interview susmentionnée, Ekiaye-Ackoly Wamene avait qualifié cette invite du chef de l’Etat d’«appel à la rupture. Les institutions sont, à n’en point douter, les premières à mettre en pratique cette rupture », parce que marquer la rupture signifiait, pour lui, « travailler différemment, changer la méthode de travail. Parce que cette rupture implique la gouvernance par la preuve ». « Nous devons afficher la volonté et sentir l’obligation d’intérioriser, dans  nos sphères d’activités respectives, les orientations du président de la République. C’est, aussi, toute une responsabilité », avait-il martelé, en direction des institutions.

Il avait aussi interpellé la presse qui devait, disait-il, jouer son rôle : «La presse doit, pour sa part, saisir cette occasion supplémentaire pour rompre avec le journalisme sensationnel qui place les commentaires avant les faits, le journalisme de la rumeur, qui déforme les faits ou qui privilégie ses jugements de valeur au détriment de l’analyse objective et froide de l’actualité », avait-il poursuivi avant de souligner que « les Congolais attendent des gouvernants qu’ils assurent la gestion transparente des affaires publiques. Mais, ils attendent aussi de la presse qu’elle assure cette transparence par des reportages qui ne laissent place à aucune déviance professionnelle et démontrent au public les failles ou les mérites de ceux qui gouvernent, en même temps qu’elle relaie les doléances des gouvernés. Je vous ai dit plus haut que la presse est la médiatrice sociale ». 

À propos de professionnalisme ou de rigueur, sujet d’actualité en référence au message de vœux à la nation du président de la République, le besoin de changement concerne aussi la presse qui fait, par ailleurs, face aux pressions politiques, notamment. N’est-ce pas un obstacle pour la presse qui doit défendre la vérité ?

Répondant à cette question, Ekiaye-Ackoly Wamene avait relevé que ces pressions n’étaient pas l’apanage de la société congolaise. «… trouverez-vous un seul pays au monde où les journalistes travaillent sans pressions », s’interrogeait-il, avant de répondre par la négation. Pour lui, «ces pressions ne sont pas que politiques : elles proviendraient de beaucoup d’autres milieux : économiques, sociaux et culturels. Les journalistes marqueront, réellement, la rupture quand ils comprendront qu’ils ont la capacité de refuser, mieux, de réduire ces pressions diverses. Le recours aux normes éthiques, déontologiques et légales constitue le premier argument, vers cette espèce d’‘’affranchissement’’, vous me permettez le terme ».

Partisan de la rigueur professionnelle, cet homme plein de sens de l’Etat soutenait que «marquer la rupture c’est, surtout, devenir davantage crédible. La crédibilité de la presse passe par celle des informations qu’elle donne. L’information crédible est celle qui est donnée, avec responsabilité, par exemple, après une enquête bien fouillée et non celle qui relaie les ragots de la rue ».  Il s’appuyait sur la médecine pour fournir à la pression un moyen oral de lutter contre d’éventuelles pressions. «Souvent, expliquait-il, l’exemple qui convient dans ce genre de cas est celui d’un médecin qui reçoit un patient lui exigeant de le mettre sous tel ou tel autre traitement. Le médecin ne le fera, certainement pas, parce que sa déontologie le lui interdit ».

Ekiaye-Ackoly Wamene souhaitait que «cette conscience professionnelle anime aussi les professionnels des médias congolais », pour ne pas qu’elle ne soit « complice de tous ceux qui font des antivaleurs, leur norme sociale ». « Or, toute la société congolaise, le président de la République, en premier, entend voir la presse jouer effectivement son rôle dans le renforcement de la démocratie et la promotion des valeurs républicaines », concluait l’ancien directeur général de Télé Congo dont les collaborateurs appelaient parfois «autorité miroir», pour sa transparence dans la gestion des fonds alloués pour des reportages événementiels, notamment.

 

 

 

Sylvain AKONDZO-LEOUI.

Légendes et crédits photo : 

Ekiaye-Ackoly Wamene

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