Le président Paul Kagamé reçu chez le pape François

Mardi 21 Mars 2017 - 13:28

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Une page des relations crispées entre l’Eglise et le Rwanda a sans doute été tournée lundi au Vatican.

Entre le Vatican et le Rwanda pays pourtant largement catholique, les relations n’ont jamais été un fleuve tranquille. Surtout pas après le génocide d’avril 1994, qui vit beaucoup d’hommes et femmes d’Eglises soupçonnés de participation ou d’incitation active au génocide ayant eu un bilan effroyable : près d’un million de morts majoritairement chez les Rwandais d’ethnie tutsie. Les autorités actuelles à Kigali ont toujours fait part de leur insatisfaction devant les marques de repentance venues de la hiérarchie de l’Eglise.

C’est pourquoi la rencontre de lundi, au Vatican, entre le pape François et le président rwandais Paul Kagame a été chargée en symboles. L’entretien entre le pape et le président qui était accompagné de son épouse, Jeannette, a duré une vingtaine de minutes. Au bout desquelles le Vatican a indiqué que le pape avait exprimé à cette occasion « sa profonde tristesse, et celle du Saint-Siège et de l'Eglise, pour le génocide perpétré contre les Tutsi » ainsi que « sa solidarité avec les victimes et ceux qui continuent à souffrir des conséquences de ces tragiques événements ».

Le Saint-Siège a rappelé le geste fort accompli déjà par le pape Jean-Paul II pour le jubilé de l’An-2000 dénonçant « les péchés et les manquements de l'Eglise et ses membres, dont des prêtres, et des hommes et des femmes d’Eglise qui ont succombé à la haine et à la violence, trahissant leur propre mission évangélique ». En évoquant cette condamnation de son prédécesseur, le pape François a lui aussi « imploré à nouveau le pardon de Dieu pour les péchés et manquements de l'Eglise et ses membres ».

Ces paroles sont tombées dans l’oreille d’un président Kagamé qui les attendait assurément. Le 21 novembre dernier l'Eglise catholique rwandaise avait officiellement demandé pardon pour tous les chrétiens ayant été impliqués dans le génocide. En tant qu’institution, « l'Eglise n'a pas participé au génocide », avait plaidé Mgr Philippe Rukamba, évêque de Butare et président de la conférence épiscopale rwandaise. Ces propos avaient suscité la moue chez les officiels rwandais, estimant qu’« au vu de l'échelle à laquelle ces crimes ont été commis, des excuses de la part du Vatican seraient amplement justifiées ». Voilà donc qui est fait. Alors, page tournée ? Le président Kagamé a twitté par la suite : « C'est un grand jour » ; « un nouveau chapitre dans les relations entre le Rwanda et l'Eglise catholique/Saint-Siège ». Il a souligné que demander pardon était à ses yeux « un acte de courage » indéniable.

En tout cas, le Vatican multiplie les gestes pour revenir à une relation apaisée qui ne minore pas la gravité des faits endurés pendant et après le génocide (trois évêques avaient été assassinés après le génocide, par vengeance). Durant leur entretien, le pape a offert à M. Kagame une médaille représentant « un désert devenu jardin », allusion au pays en reconstruction après le génocide. Pour sa part, le président a apporté au pape un bâton traditionnel, symbole de commandement qu’un dignitaire est tenu de prendre en main à chaque annonce solennelle. Après cette rencontre "historique" Jean-Pierre Dusingizemungu, président de la principale association de rescapés du génocide rwandais, Ibuka, a parlé d’un « pas de géant ».

Lucien Mpama

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