Sébastien Migné : « Si les binationaux viennent, ils doivent le faire avec l’amour total du maillot »

Mercredi 26 Avril 2017 - 23:45

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Sébastien Migné était à Choisy-le-Roi lundi matin pour rencontrer Eden Massouema, qui lui a annoncé qu’il acceptait de rejoindre les Diables rouges. Le sélectionneur national a ensuite fait le point sur les dossiers des binationaux. Et répondu sans détour aux questions des Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville : Coach, dans le cadre de votre tournée à la rencontre de la diaspora, vous venez (ndlr : lundi 23) de vous entretenir avec Eden Massouama. Cette rencontre a été fructueuse ?

Sébastien Migné : Oui, nous avons eu une discussion positive. Eden est un jeune espoir de 19 ans, qui effectue une saison pleine au Paris FC. Il laisse entrevoir le désir de nous rejoindre. Mais il faut rester mesuré car il est possible qu’il rejoigne, au vu de sa saison, un club plus huppé. Il ne faudrait pas que cette phase de négociation contractuelle retarde son arrivée et celle d’autres joueurs. Par ailleurs, Dylan Bahamboula m’a donné son accord et j’ai discuté avec Bryan Passi au téléphone.

LDB : D’autres noms circulent, pour certains depuis plusieurs années, à l’image de Christopher Maboulou, qui avait été proche de venir lorsque vous étiez aux responsabilités avec Claude Le Roy, de Jules Iloki ou encore de Brice Samba junior, qui se fait désirer depuis 2012. Où en êtes-vous ?

S.M : Rien est acquis. Je souhaite les rencontrer pour leur montrer que la sélection congolaise est prête à les accueillir. Aujourd’hui, alors que l’équipe vit une crise de résultats depuis la CAN 2015, le Congo ne peut pas ignorer des joueurs qui évoluent dans des clubs professionnels comme Marseille ou Nantes. Je veux donc discuter avec eux, les sonder et déterminer ceux qui sont capables de s’adapter au football africain et au Congo. Car il ne s’agit pas seulement d’avoir des qualités techniques et tactiques, il faut aussi être capable de les mettre en œuvre dans un contexte différent, parfois hostile comme ce sera probablement le cas à Kinshasa en juin. Par ailleurs, avoir un contrat professionnel n’est pas automatiquement synonyme de sélection : leurs performances resteront le critère principal. Comme pour tous les joueurs.

LDB : Ces matchs du mois de juin, en fin de saison, sont toujours compliqués pour les organismes des joueurs. Pour vous, la problématique va aussi être de gérer des temps de jeu et des conditions physiques disparates avec plusieurs cadres qui jouent peu (Ndinga, Oniangué, Doré…). Comment gérer ce paramètre ?

S.M : Avec les autorités, nous travaillons sur l’organisation d’un stage en France pour récupérer les joueurs de la diaspora dès le 26 mai, sachant que la plupart des championnats européens s’arrêtent mi-mai. Cela permettra de garder les joueurs dans le rythme, de réathlétiser ceux qui en auront besoin et de conserver une dynamique physique en vue du match de Kinshasa (ndlr : 9, 10 ou 11 juin). Après, la fatigue de fin de saison vaut aussi pour nos adversaires.  Mais ils auront probablement plus de rythme, car ils bénéficient d’un temps de jeu plus conséquent dans leurs clubs. Je le savais en signant pour le Congo : à moi d’essayer de tirer le meilleur des forces en place tout en dynamisant le groupe avec des nouvelles têtes.

LDB : L’équipe que vous avez amenée, avec Claude Le Roy, à la CAN 2015, semble en fin de cycle. Comment la redynamiser et la régénérer alors que se profile un match capital ? Comment concilier travail de fond et urgence du résultat ?

S.M : C’est toute la difficulté du métier de sélectionneur ; travailler dans l’immédiateté du prochain match, tout en ayant une vision au moins à moyen terme. C’est pour cela que je veux des nouvelles têtes dans le groupe en juin. Le stage permettra à chaque joueur de faire ses preuves avant le match de Kinshasa. Les nouveaux ne seront pas forcément titulaires, mais pas forcément remplaçants non plus.

LDB : A 19 ans, Eden Massouema joue régulièrement en National au Paris FC. Mais derrière lui, une vingtaine de joueurs de la diaspora évoluent au sein d’équipe réserve de clubs professionnels (Bidounga, Mabella, Mayela, Mazikou…). Ne faudrait-il pas relancer une équipe U23 au Congo pour offrir une étape intermédiaire à tous ces joueurs ?

S.M : Evidemment, ça serait idéal d’avoir une équipe U23. Mais aussi U20 et U17. Il faudrait organiser régulièrement des stages et matchs pour ces équipes, afin de tester les jeunes, locaux ou de la diaspora, et suivre leur progression afin de préparer au mieux leur arrivée en équipe A. On est malheureusement loin de tout ça aujourd’hui, mais je sais qu’il y a des données économiques, actuellement, qui compliquent la tâche. C’est pourquoi ce stage du 26 mai est important : plutôt que de ramener de « vieilles gloires » que l’on connait par cœur, je préfère l’ouvrir à des jeunes espoirs des clubs professionnels pour établir le contact et élaborer le suivi.

LDB : Quel sera la suite de votre programme avant votre retour au Congo ?

S.M : Cet après-midi (ndlr : lundi), je participe à l’émission « Talents d’Afrique », un des programmes sportifs phares en Afrique, afin de mettre en avant le Congo et faire parler positivement des Diables rouges. Dès demain (ndlr : mardi), je rentre à Bordeaux, chez moi, dans l’espoir de rallier rapidement Marseille pour rencontrer Brice Samba. J’attends confirmation de la part du joueur (ndlr : une rencontre prévue ce mercredi a été annulée). Vendredi, j’irai à Nantes pour rencontrer Jules Iloki et assister au match entre les réserves de Nantes et Lorient où évoluent les jeunes N’Sondé et Mazikou. Samedi, j’étais à Tarbes où j’ai assisté au match de CFA entre Tarbes et Monaco avec un Congolais dans chaque camp (ndlr : Loumingou et Andzouana). J’essaie de rationaliser les trajets car les joueurs ne sont pas toujours sur les feuilles de matchs. Ensuite, il y a le contact permanent à conserver avec le groupe : j’ai eu Prince il y a deux jours pour faire un point hebdomadaire…

LDB : Un petit mot sur Emerson Illoy-Ayyet, que vous aviez convoqué face à la Mauritanie mais qui n’est pas venu. Sa situation avance ?

S.M : Je ne le connais pas bien, en dehors de sa grande taille (ndlr : 1m95), mais je vois qu’il joue régulièrement en première division ukrainienne et qu’il évolue à un poste qui m’intéresse au plus haut point, car la défense est notre principal chantier. Après, la particularité de ce garçon est qu’il ne parle pas le français et pas vraiment le lingala non plus. Avec Salomon Babemdzé et Fortuné Tabouna, qui sont le relais du Congo en Europe, on continue de travailler sur ce dossier pour le voir lors du prochain stage. Il demeure ensuite un problème administratif, car pour l’instant il est considéré comme un joueur local en Ukraine, mais s’il devenait international congolais, il deviendrait alors un joueur étranger dans son championnat. Ça ne simplifie pas la donne.

LDB : Dans les stades ou sur les réseaux sociaux, les supporteurs sont souvent énervés par les refus des binationaux de rejoindre la sélection. Comment gérer cette déception ?

S.M : Je sais que parfois les supporteurs congolais sont partagés entre le souhait de voir les binationaux porter le maillot du Congo et l’agacement de certains atermoiements : je voudrais leur répondre qu’il est difficile de se passer des forces vives de la diaspora. Objectivement, on ne pas s’en passer avec un championnat dont le niveau ne permet pas aux joueurs locaux de progresser et avec un Centre national qui est encore, à l’heure actuelle, fermé. En revanche, je ne suis pas prêt à accepter n’importe quoi pour les faire venir. On peut comprendre qu’ils hésitent, mais s’ils viennent, ils doivent le faire avec l’amour total du maillot. Et comprendre qu’ils n’arrivent pas en terrain conquis. Ça fait partie de mon travail de m’en assurer et ceux qui n’ont pas le bon état d’esprit ne resteront pas en équipe nationale.

LDB : Le staff de Claude Le Roy, dont vous étiez l’adjoint, s’est beaucoup appuyé sur les joueurs locaux, à une période où les résultats africains de l’AC Léopard leur offraient une pratique du haut niveau. C’est moins le cas aujourd’hui. Encore une donnée négative à gérer ?

S.M : Oui, c’est une autre problématique. A l’époque, l’AC Léopards était l’une des meilleures équipes d’Afrique, une sorte de petit TP Mazembe. Ce n’est plus le cas et les résultats des autres équipes sur la scène continentale ne sont pas meilleurs. Il est donc primordial de relancer le football local et c’est un volet de ma mission. C’est pourquoi je vis au pays. En mai, on va essayer d’effectuer un stage avec l’équipe locale, qui affrontera aussi la RDC dans le cadre des éliminatoires du Chan. Avant la reprise du championnat, je veux réunir les meilleurs locaux deux ou trois jours et ponctuer le stage d’un match amical face à une sélection régionale, peut-être du Kouilou, ce qui reste à confirmer par les autorités. Cela permettrait de créer une émulation à l’intérieur du pays et de découvrir, au sein des sélections régionales, les meilleurs éléments. Je reste persuadé qu’une sélection africaine ne peut obtenir de résultats sans un socle de joueurs locaux, qui connaissent le contexte africain. C’est ce qu’on avait fait, avec succès, avec Claude Le Roy. Plutôt qu’avoir un 17e ou 18e joueur professionnel qui sera aigri de ne pas jouer, je préfère avoir des jeunes locaux plein d’ambition, avides d’apprendre.

LDB : à l’image d’un Sylver Ganvoula, qui a peu joué pendant 2 ans, mais vient de signer à Anderlecht ?

S.M : Oui, Ganvoula, mais aussi Merveil Ndockyt ou Moïse Nkounkou. C’est pourquoi depuis deux mois, avec Barthélémy Ngatsono et Guillaume Koffi, nous sommes sur tous les stades du Congo pour trouver de nouveaux talents.

LDB : Savez-vous déjà dans quel système vous voulez faire évoluer votre équipe ?

S.M : Pour le moment, avec les incertitudes liées aux arrivées de nouveaux joueurs et à l’état de forme des éléments déjà en place, je me veux plutôt pragmatique. A terme, j’aimerai avoir une équipe entreprenante, qui amène du jeu extérieur et va vers l’avant. Pour cela, il faut des bases solides que l’on obtiendra par le travail.

LDB : Lors du match en Mauritanie, de nombreux observateurs ont cru voir de votre part un certain conservatisme par rapport aux années « Le Roy ». Comment l’ancien adjoint devenu numéro 1 peut s’affranchir de cette sensation, qu’elle soit réelle ou erronée ?

S.M : Les choix faits lors du premier rassemblement était déjà les miens et je les assume. Je me voyais mal tourner le dos à certains de nos cadres qui ont écrit la dernière belle page de notre sélection nationale. Le message est simple : rien n’est acquis, mais je sais ce qu’ils ont donné au pays. Et pour peu qu’ils veuillent, et le prouvent sur le terrain, encore donner leur envie et leur talent aux Diables rouges, la porte est ouverte. Ensuite, j’ai pu observer certaines choses au cours de ce stage, certaines positives, d’autres moins, et il y aura certainement un peu de mouvement lors de la prochaine liste. Une équipe nationale doit être en perpétuel renouvellement, avec une porte toujours ouverte pour y entrer, mais aussi en sortir. Pour revenir à la Mauritanie, j’ai appelé certains joueurs qui étaient en délicatesse avec le sélectionneur précédent, mais qui l’étaient aussi avec Claude Le Roy. Je n’ai pas d’a priori, j’essaie uniquement de penser à ce qui est bon pour l’équipe nationale.

LDB : Un petit mot pour finir ?

S.M : Je suis content de voir la presse congolaise ici ce matin pour constater le travail effectué. On ne pourra pas faire grandir cette équipe si toutes les forces vives, presse comprise, ne portent pas le projet ensemble. Je ne demande pas aux journalistes d’être consensuels, mais je veux que la critique soit constructive afin que le football congolais progresse et retrouve le niveau qui doit être le sien.

Propos recueillis par Camille Delourme à Choisy-Le-Roi

 

 

Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

De passage en région parisienne, Sébastien Migné a répondu aux questions des Dépêches de Brazzaville (crédits photo Adiac/Camille Delourme) Le sélectionneur national et Salomon Bambendzé, du staff administratif des Diables rouges, autour d'Eden Massouema (crédits photo Adiac/CD) Après une entrevue fructueuse, Sébastien Migné a offert un maillot du Congo à Eden Massouema (crédits photo Adiac/CD)

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