Secteur bancaire : pas de mesures contraignantes sur les transactions en dollars USD

Dimanche 25 Juin 2017 - 14:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

L’Association congolaise des banques (ACB) est montée récemment au créneau pour démentir une quelconque mesure américaine interdisant aux banques européennes de mener des opérations en dollars USD avec les banques congolaises. Au moins 80 % des opérations quotidiennes du secteur bancaire se font en devises américaines. Par ailleurs, la majorité des dépôts, soit 80 % exactement, se fait également en devises américaines. On estime même les fonds d’entreprises et des particuliers en dépôts à terme dans les banques congolaises à plusieurs centaines de millions de dollars. Quant aux 20 % restants des dépôts, ils sont partagés traditionnellement entre l’euro et le franc congolais.

La nouvelle des restrictions officielles américaines avant le démenti de l’ACB a contribué à créer une situation de malaise général. « Les seules dispositions qui existent et qui sont respectées par les banques congolaises concernent les normes et exigences du fait de la détention et de l’utilisation du dollar américain en cas de sanctions ». Mais la menace reste malgré tout réelle pour le secteur bancaire. Interrogé par la rédaction sous couvert d’anonymat, un banquier précise que les banques américaines représentent des partenaires stratégiques incontournables pour les transactions en dollars américains entre différentes banques. « Il faut que l’argent rentre d’abord aux États-Unis pour la compensation qui se fait là-bas et pas dans notre pays », renchérit-il. Une situation critique se présente dans les relations avec les banques correspondantes qui ne veulent plus servir de chambre de compensation. Selon les révélations de l’ACB, « les grandes banques internationales ont décidé de clôturer les comptes des banques commerciales congolaises dans leurs livres. D’autres restreignent fortement le volume des opérations et la livraison du numéraire ».

D’importants enjeux se posent à ce stade. En effet, l’essentiel des transactions financières continue de se faire en dollars américains, même si le Gouvernement a marqué quelques points dans son projet de « dédollarisation » dans plusieurs domaines dont dans les paiements des factures de l’État, l’affichage des prix des produits manufacturés importés etc. Dans le secteur bancaire particulièrement, plusieurs mesures plutôt impopulaires ont été arrêtées également dans le même cadre, sans produire les effets escomptés.

« Dédollarisation »

La route est encore longue pour imposer le franc congolais comme monnaie de référence à cause de son instabilité, avec un taux atteignant actuellement la barre fatidique des 1 500 pour un dollar. En 2016, la monnaie nationale s’est dépréciée de 20 % face au dollar américain. Et la tendance s’est poursuivie au premier semestre 2017. Les conséquences sont réelles sur le secteur bancaire. Beaucoup ignorent par exemple que les différentes rubriques des fonds propres des banques sont libellées en dollar, et le capital minimum en franc congolais valorisé en une contrevaleur dollar au moment de la constitution de la banque. Conformément à la réglementation en la matière, il s’agit d’une valeur intangible. À chaque dépréciation, les banques sont contraintes de reconstituer, en monnaie nationale, la valeur initiale. Comme l’a confirmé l’ACB, « la majorité des banques, si pas toutes les banques, ont constitué une provision pour reconstitution du capital qui va rogner le résultat ». La solution devrait intégrer nécessairement un effort de libeller le capital en franc congolais, sans une quelconque référence à une contre-valeur en dollar. Le même exercice doit être réalisé pour les fonds propres de la banque. À moins que l’autorité monétaire ne décide finalement de « dollariser » le tout. Une évidence pas prête de se réaliser car la dernière Instruction 14 de la Banque centrale du Congo renforce justement le ratio de solvabilité et le capital minimum désormais porté désormais à la contre-valeur de 30 millions de dollars américains USD.

Incertitude

Une telle situation contribue à freiner l’investissement financier et la recapitalisation indispensable pour la viabilité du système bancaire congolais. Ce dernier doit s’endetter également pour trouver les francs nécessaires pour couvrir la réserve obligatoire sur les avoirs en dollars. L’ACB parle d’une ponction de l’ordre de 120 milliards de FC suite à la modification des coefficients intervenue en novembre 2016. La plupart des banques ont une liquidité limitée en franc congolais et doivent recourir systématiquement à un refinancement plutôt contraignant. Pour les banques qui détiennent des fonds propres en monnaie nationale, elles voient la valeur de ceux-ci s’effondrer suite à la dépréciation. « Dans les deux cas, les fonds propres en dollar ou en franc congolais, nous sommes perdants », martèle l’ACB. Il faut signaler que les montants logés dans la réserve obligatoire représentent plus de la moitié des fonds propres consolidés des banques.

D’une manière générale, l’économie congolaise reste profondément « dollarisée ». Selon l’ACB, notre économie n’a pas les fondements et n’est pas prête à n’utiliser que sa seule monnaie nationale pour les transactions commerciales. Dans le secteur bancaire, le total de bilan des banques est constitué à 80 % des ressources en dollars. Pour l’avenir, le système bancaire aura grandement besoin d’une stratégie nouvelle de développement. Au-delà des défis liés à l’extension des réseaux bancaires et la défiscalisation, l’enjeu autour de la dollarisation ou dédollarisation reste mineure par rapport à d’autres dangers plus immédiats dont la part importante de l’informel et la fuite des capitaux.

Laurent Essolomwa

Notification: 

Non