Interview. Maria Maylin parle de son engagement pour la cause africaine

Samedi 28 Avril 2018 - 12:11

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Maria Maylin est très difficile à classer. Femme de cœur et de cran, elle est capable de passer, le plus normalement du monde, de la brousse aux salons de la jet-set où elle va mobiliser des fonds pour ses initiatives de développement humain en Afrique.  Entretien avec une militante atypique.

 

 

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Quelles sont vos différentes activités panafricaines ?
Maria Maylin (M.M.)
:Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour votre initiative et remercier toute la rédaction de m’avoir approchée pour cet entretien. Je vous dirais, d’abord, qu’elles sont multiples et tendent toutes vers la réalisation et l’émergence du citoyen et de la citoyenne africaine dans toute leur splendeur. Sa Majesté le roi a tracé la voie royale pour une vraie renaissance de notre continent. Tout a commencé par la multiplication d’initiatives et d’actions concrètes dans le cadre du co-développement, de la coopération Sud-Sud, de la préférence africaine. Toutes ces actions visent le développement humain et l’émancipation du continent que tous s’accordent à qualifier de celui de l’avenir mais les enfants doivent se mobiliser davantage pour le prendre en charge et choisir leur propre modèle d’intégration et de développement.
En toute humilité, je m’inscris, avec les gens avec qui je travaille, dans cette logique, et épouse cette vision royale pour nos pays, de la ville du Cap à Tanger, de Brazzaville à Nairobi, et dont les contours ne cessent de se préciser. En Afrique, la solidarité ne devrait pas être un vain mot et la société civile doit jouer son rôle aux côtés de tous les intervenants et parties prenantes de son développement humain.
Mon engagement dans ce qui est devenu pour moi un vrai sacerdoce remonte à plus de vingt-cinq ans et trouve ses origines dans ma formation médicale et mon travail en tant que responsable de département à l’Hôpital Saint Louis de Paris. Mon mari, Claude, oncologue et pionnier de sa spécialité au même établissement, ainsi que mes trois filles sont tous depuis impliqués au plus haut degré dans ce défi qui consiste à montrer qu’il est possible d’échapper à la fatalité, de faire bouger les lignes et de se prendre en charge soi-même tout en aidant autrui à faire de même. Je n’ai jamais cessé de m’identifier au fameux arbre auquel feu Sa Majesté le roi Hassan II aimait à comparer le Maroc : un arbre qui se nourrit par ses racines profondes et qui respire par son feuillage sur l’Europe.
Après avoir été, des années durant à Paris, au service de mon prochain, notamment les patients de pays africains, je me suis retrouvée, le plus naturellement du monde, en train de collecter du matériel médical en Europe pour l’acheminer vers des régions enclavées du continent où il faisait cruellement défaut. Les opérations se sont multipliées dans le cadre du Comité international pour la renaissance de l’Afrique (Cira) que j’ai créé à cet effet avec un bon nombre d’amis et de collaborateurs. Et c’est ainsi que le comité a élargi l’éventail de ses actions en organisant des stages, des tournées de grands spécialistes dans plusieurs pays africains mais surtout, les services, la formation et l’encadrement fourni dans un grand nombre d’établissements hospitaliers africains.
Pour faire court, le Cira a pour but de soutenir les œuvres humanitaires et les actions sociales sur le continent africain ; contribuer à la réalisation, à la coordination et à l’organisation de toute œuvre de bienfaisance, de toute opération ou activité de même nature ; s’engager à organiser les actions humanitaires nécessaires à l’Afrique, qu’elles soient médicales, sociales ou culturelles ; affirmer la priorité de tout projet au profit des catégories sociales les plus défavorisées, notamment les femmes, les enfants et les jeunes ; s’efforcer de solliciter les donations pour une mobilisation, à titre gracieux, de ressources locales et étrangères, afin de financer des actions humanitaires ; souligner la nécessité d’accorder à l’Afrique la place qu’elle mérite.
Et c’est grâce à ce comité qui opère dans les projets de développement et d’aide en faveur de l’Afrique et qui organise des missions d’aide et d’échange avec les hôpitaux et les dispensaires africains qu’il a été possible de concevoir et de lancer le projet « Terre d’Ecole ».

L.D.B. : Pourriez- vous présenter Terre d’Ecole (TDE) ?
M.M.
: C’est le président congolais, Denis Sassou N’Guesso, désigné par ses pairs africains porte-parole de l’Afrique pour le développement durable, qui avait lancé l’idée que l’école devait être adossée à un champ pour permettre aux élèves d’aller se familiariser avec tout ce qui a trait à la terre et aux techniques traditionnelles qui ont permis de la cultiver et de la préserver.
Comme nous l’avons expliqué lors des conférences des parties de la Convention des Nations unies pour les changements climatiques, COP à Paris, Marrakech et Bonn, le péril est en la demeure et des mesures urgentes par la communauté internationales sont nécessaires pour endiguer les dégâts et inverser le processus si on veut garder l’espoir de sauver la planète. Mais, il fallait aussi s’inscrire dans le moyen et long termes et cueillir les enfants dès leur arrivée à l’école en intégrant au cursus scolaire une matière dispensée du primaire à la fin du secondaire qui puisse les préparer et promouvoir l’avènement d’une société consciente des défis du changement climatique et du développement durable et en leur donnant les outils pour les relever. Ce module, préparé par une équipe d’éducateurs africains et européens qui couvre de l’initiation aux éléments les plus basiques à des cours sur le terrain de plus en plus sophistiqués au fil des classes, devrait progressivement instiller les principes et valeurs recherchés dans le citoyen africain de demain.
L’école-pilote qui est en cours de réalisation à Kintélé, près de Brazzavile, répond à toutes les normes écologiques avec son champ, son énergie solaire et son système de recyclage d’eau. Elle doit bientôt recevoir ses six cents élèves et servir de modèles à des écoles similaires en vue de créer un vrai réseau TDE à travers le continent.
On a coutume de dire qu’il faut se soucier de quelle planète nous laissons à nos enfants mais il faut également se préoccuper de quels enfants on laisse à notre planète. Il faut que ce soit une génération à la fois consciente de la nécessité de la préserver mais aussi qui ait, dans ses comportements, les réflexes des équilibres nécessaires avec la planète.

En attendant l’ouverture du campus de Kintélé, le premier fleuron de ces écoles labélisées TDE, avec l’accréditation de la COP, est l’Ecole de la Fraternité, à Brazzaville, opération menée dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, et qui ne manquera pas de faire école aussi bien au Congo que dans d’autres pays du continent.

L.D.B. :Pourquoi vous qualifie-t-on de militante panafricaine ?
M.M.
: C’est la perception des gens. En digne descendante de Khnata Bent Bakkar, Marocaine et Africaine pur jus, je fais ce que je pense être juste, mon devoir. A force d’aider les malades et voir défiler les souffrances et les misères du monde de l’Hôpital, un déclic s’est produit en moi et j’ai décidé de me mettre au service des miens et de me consacrer entièrement à mobiliser les compétences et les moyens pour faire la différence dans la vie de ces gens. Bien sûr, à mon échelle. Car, si on arrive à alléger la souffrance des uns et contribuer à l’épanouissement des autres, quel que soit le nombre, on a déjà réussi son passage sur terre. Je n’aime pas beaucoup ce terme de militante, cela peut avoir des connotations négatives ou suspectes. Je sers les gens sans rien espérer que de pouvoir leur apporter le réconfort et les aider sur le chemin de la vie tout en gardant espoir que d’autres, de plus en plus nombreux, suivront pour perpétuer les valeurs humanitaires.
Parfois, on a tendance à me qualifier ainsi quand je me montre intraitable sur des choses qui ne sont pas négociables. Mais, je reste fidèle à mes principes et aux objectifs de nos actions avec toute la courtoisie et le savoir-vivre nécessaires.
Vous savez, il y a beaucoup de gens qui, au lieu d’agir, vont s’amuser à dénigrer ceux et celles qui le font et leur attribuer des ambitions qu’ils n’ont pas ou je ne sais quels obscurs desseins.  Je fais de mon mieux et je travaille toujours en équipe avec les gens qui partagent mes préoccupations et qui sont prêts à des sacrifices énormes à la poursuite de cet idéal qui consiste tout simplement à s’oublier un peu au profit d’un autre être humain.
Alors militante ? Oui, si c’est croire en son prochain et tout faire pour l’aider en s’aidant soi-même. Panafricaine, assurément, et jusqu’au bout des ongles et jusqu’au dernier souffle. Et entre nous, je pense que je n’avais même pas le choix. C’est dans les gènes. Je suis Marrakchie et Marrakech, je me permets de vous le rappeler, a toujours été le cœur qui bat de l’Afrique. Nous avons toujours représenté les valeurs de partage, de solidarité et de fraternité.  

 

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