Petit commerce : Denise Mbemba choisit le vélo pour le transport de sa marchandise

Samedi 16 Juin 2018 - 13:23

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À cœur vaillant, rien d’impossible : c’est apparemment la devise d’une femme congolaise, la cinquantaine révolue, qui a opté pour les deux roues comme moyen d'acheminer sa marchandise destinée à être revendue en détail, malgré le regard tantôt admirateur, tantôt moqueur de certaines personnes.

 

À 55 ans, Denise Mbemba, appelée affectueusement Mâ Mbemba, élève seule ses cinq enfants dont trois garçons et deux filles. Comme la majorité des femmes célibataires, elle vit de petits commerces à l’étalage.

Pendant que ses collègues commerçantes utilisent des taxis pour transporter leurs marchandises, elle a plutôt choisi le vélo, un moyen qui suscite parfois l’admiration. « C’est mon grand frère qui m’a offert ce vélo, il y a dix-huit ans, pour me féliciter d’avoir construit seule une maison en paille au village, alors que ce genre de travail est réservé aux hommes », nous a-t-elle confié en souriant.

Tous les matins, après avoir enfilé un pantalon dessus son pagne, un look lui permettant de mieux pédaler, mâ Mbemba parcourt une certaine distance pour acheter la marchandise dans un marché de la place, dans le neuvième arrondissement, puis la revend en détail au marché Total, dans le deuxième arrondissement. Grâce à son vélo, cette dame peut emporter tout à la fois et il lui faut souvent compter une à deux heures de vélo pour arriver à destination.

Comme marchandises, elle a de la tomate fraîche, du piment, du gombo, de l’oignon, de la ciboule et de la pâte d’arachide qu’elle transporte d’une manière particulière. À l’aide d’un pagne, elle forme un nœud légèrement creux sur lequel elle pose sa cuvette chargée. Ce qui est surprenant, c’est qu’elle parvient à pédaler avec son colis perché sur sa tête, sans le faire tomber. « Au départ, j’empruntais le taxi, mais après avoir constaté que c’était trop cher, j’ai opté pour le vélo afin d’éviter aussi les caprices de certains chauffeurs de taxi », explique-t-elle. Depuis que la crise financière a plombé le pays, les affaires ne marchent pratiquement plus comme avant et Mâ Mbemba n’est pas exempte de cette situation difficile pour elle et ses enfants.

Par ailleurs, elle a dénoncé la manière dont elle est souvent traitée par certaines personnes. « Le commerce que j’exerce me permet de répondre aux besoins de ma famille, mais certaines personnes me traitent de sorcière. D’autres, au contraire, m’encouragent », a-t-elle précisé.

Elle a renchéri en disant qu’elle est parfois méprisée et humiliée par des clients. « Ce n’est pas facile. Les gens pensent que nous n’avons pas étudié lorsqu’on exerce cette activité. Et pourtant, beaucoup d’entre nous ont également obtenu leurs diplômes mais par manque de travail, elles ont choisi faire ce commerce », s'indigne-t-elle.

Mâ Mbemba a même révélé qu’elle a eu à remporter une course cycliste organisée par le maire de l’arrondissement 1, Makélékélé, il y a plus de dix ans. Dans la foulée, elle a invité toutes celles qui ne font rien à faire un pas dans l’agriculture ou mieux le petit commerce pour être indépendante financièrement. Le vélo, a-t-elle dit, constitue également un moyen pour elle d’exercer un peu de sport pour se maintenir. Pour Mâ Mbemba, « une personne qui se met au vélo reprend en main sa santé ».

En effet, dans les zones défavorisées où les distances posent problème, le vélo est souvent un choix évident de mode de transport fiable et un outil naturel pour améliorer les conditions de vie de nombreuses personnes, et on peut également le considérer comme un vecteur de liberté. C’est aussi un excellent moyen d'émanciper les femmes et les jeunes filles. À l’heure de la pollution à grande échelle, et du prix du carburant, il faut un moyen de transport qui non seulement respecte l’environnement mais aussi fait du bien au porte-monnaie.

Yvette Reine Nzaba

Légendes et crédits photo : 

-Mâ Mbemba sur son vélo -Mâ Mbemba derrière ses étals/ Crédit photo Adiac

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