Littérature : quand Stephen Smith aborde la question de l’immigration africaine vers l’Europe

Samedi 3 Novembre 2018 - 10:49

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Stephen Smith est un journaliste dont les livres ne laissent jamais personne indifférent. En 2003, il publiait "Négrologie", un ouvrage qui suscita déjà une vive polémique et une levée de boucliers des africanistes.

Depuis 2007, Stephen Smith a quitté le monde de la presse pour devenir professeur d’université. Il enseigne désormais  les études africaines à l’université Duke de Caroline du Nord, aux États-Unis. Mais il n’en a pas pour autant fini avec la polémique. Sans avoir peur des critiques, il a publié en début d’année un nouvel ouvrage, "La ruée vers l’Europe ", qui a obtenu le prix du livre Géopolitique 2018. Dans ce livre, l’auteur décrit comment l’Europe va, selon lui, « s’africaniser », processus normal issu d’un déséquilibre entre une Europe qui abritera quatre cent cinquante millions d’habitants en 2050 et une Afrique qui en comptera 2,5 milliards.

Pour l’auteur, l’Afrique va faire ce que toutes les parties du monde, à savoir l’Europe, l’Amérique latine et l’Asie ont fait avant elle en achevant leur transition démographique. Depuis 1930, quand l’Afrique comptait cent cinquante millions d’habitants, sa population a été multipliée par huit. Aujourd’hui, il y a 1,3 milliard d’Africains, dont 40% ont moins de 15 ans. Leur nombre va encore presque doubler à l’horizon de 2050 et il ne s’agit pas là d’une spéculation hasardeuse, puisque les parents des enfants qui vont naître à cette échéance sont déjà parmi nous, précise l’auteur. En 2050, l’Europe comptera quatre cent cinquante millions d’habitants vieillissants. Les 2,5 milliards de jeunes Africains en face feront alors ce que les Européens ont fait quand ils sont passés de familles nombreuses à forte mortalité à des familles plus restreintes et des vies plus longues : ils vont partir en masse à la recherche de meilleures chances de vie.

La jeune Afrique ne peut que se ruer vers le Vieux continent. L’Europe comptera dans trente ans entre cent cinquante et deux cents millions d’Afro-Européens (neuf millions aujourd’hui).

L’auteur précise, entre autres, que ce ne sont pas les plus pauvres qui émigrent : les jeunes qui peuvent quitter le village pour la ville, puis la ville pour la capitale, puis le continent pour le monde, sont les forces vives des pays de départ, les espoirs de l’Afrique « émergente ».

Ce livre de Stephen Smith nous donne des pistes de réflexion assez intéressantes et originales sur la question du flux migratoire en recrudescence aujourd’hui. On pourrait facilement taxer les propos de l’auteur de pamphlets désobligeants et « anti-aide au développement ». Mais le problème de l’immigration clandestine et ses milliers de morts en Méditerranée n’est-il pas assez sérieux pour qu’on appelle enfin les choses par leurs noms?

Il faut donc reconnaître à l’auteur sa lucidité et sa bienveillance dans cette satire courageuse d’un système migratoire nébuleux qui se bonifie au quotidien par des apports endogènes (venant de l’Afrique) et exogènes (venant de l’Europe).

Ce livre nous propose une approche de solutions face à l’épineux problème de l’immigration clandestine dont les victimes et les grands perdants sont les Africains pris au piège malheureusement d’un système implacable.

 

Boris Kharl Ebaka

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