Migration : la double nationalité reste une question taboue

Mardi 19 Février 2019 - 18:21

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La décision de la Direction générale de migration (DGM) d’octroyer d’un visa d’entrée de trente jours aux étrangers d’origine congolaise est un pas dans la bonne direction. En effet,  elle permet de faciliter ou d’alléger les conditions d’obtention de ce précieux sésame tant réclamé par la diaspora même si le vrai débat est éludé depuis plus de trois décennies.

La note circulaire mettant en vigueur le visa d’entrée de trente jours aux étrangers d’origine congolaise remonte au 16 février. Officiellement, il est question d’alléger les conditions d’obtention des visas d’entrée en faveur d’étrangers d’origine congolaise. Lors de nombreuses circonstances dont les tables rondes, la diaspora n’a pas raté une seule occasion pour évoquer l’urgence de mettre en œuvre une telle décision. Pour autant, elle ne fait qu'effleurer une problématique bien plus profonde pour le pays qui a refusé à ce jour d’aborder la question de la double nationalité.

Comme le renseigne la DGM, un visa de trente jours est accordé au niveau des postes frontières et frontaliers à tout Congolais naturalisé mais désireux de revenir ou de venir en République démocratique du Congo (RDC). Il l’obtiendra moyennant des frais qui devraient s’établir à quatre-vingt-dix dollars américains. Des instructions dans ce sens ont été données à la police des frontières, la police de la chancellerie et celle des finances pour la stricte observance de la nouvelle décision. Pour autant, il revient au demandeur de prouver sa nationalité soit par un patronyme faisant partie du patrimoine culturel congolais, soit par la présentation d’un acte de naissance, d’un ancien passeport ou tout autre document faisant foi.

Pour un analyste de la vie congolaise, cela peut paraître facile à mettre en œuvre, du moins sur le plan de la théorie, mais il n’est pas aussi simple de prouver sa nationalité dans un environnement aussi tracassier où la moindre erreur sera mise à profit par l’administration pour bloquer le processus. L’on soulève aussi d’autres types de difficultés réelles, notamment le cas des enfants naturalisés étrangers portant les noms de leurs parrains. Dans ce genre de situation, il est nécessaire de prendre en compte l’acte de naissance du demandeur.

Un sujet toujours en débat

Pour autant, cette décision contribue à relancer la question de la double nationalité. Pour certains observateurs, elle ne doit pas continuer à envenimer autant le climat politique. En effet, pour les uns, le pays a besoin d’une main d’œuvre spécialisée pas toujours disponible. Ils rappellent que les nations les plus fortes se sont bâties autour de l’immigration. La RDC ne peut prétendre échapper à la règle. Pour d’autres, plus sceptiques, la question de la nationalité est très complexe car elle va permettre aux étrangers de profiter des richesses nationales. Bien entendu, leur regard est rivé particulièrement sur le Kivu à cause de la résurgence des tensions causées par un passé commun avec certains pays limitrophes et la gestion des ressources naturelles. Le pays compte bien des personnalités de souche nilotique dont la nationalité reste très controversée. Toute la susceptibilité autour de cette question s’explique par le drame qui s’est joué et qui se joue dans l’est de la RDC.  Pour une troisième opinion, plus réservée sur cette question, le pays doit évoluer avec son temps. Il faut ratisser large au lieu de ne se contenter que d’une petite économie qui ne sert finalement que des intérêts propres. Selon elle, il y a une expertise en jeu et de l’argent à gagner. Le vrai débat, conclut-elle, est juste de mettre en œuvre une bonne vision politique de développement.

Laurent Essolomwa

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