Formation du gouvernement : l’identification de la majorité bloque le processus

Lundi 25 Février 2019 - 17:09

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Si le Front commun pour le Congo (FCC) continue de revendiquer la majorité parlementaire estimant que celle-ci est clairement établie à la lumière des résultats provisoires des législatives nationales qui le place nettement en tête avec plus de trois cents députés élus, le Cap pour le changement (Cach) pense que cela ne peut occulter la nomination d’un informateur, conformément à l’article 78 de la Constitution. 

Cela fait plus d’un mois depuis que la République démocratique du Congo fonctionne avec un éxécutif expédiant les affaires courantes et dont le pouvoir de gestion s’avère limité. Le fait que le nouveau gouvernement tarde à venir commence à agacer. La patience a atteint ses limites. Et pourtant, la dernière entrevue que Joseph Kabila a eue avec Félix Tshisekedi, à la cité de l’Union européenne, avait rassuré plus d’un sur la célérité qui allait être imprimée sur la formation du gouvernement. Au finish, les lignes n’ont pas bougé. Les choses demeurent en état. La tendance est curieusement de s’accommoder à la situation alors que le temps s’égrène et que, bientôt, Félix Tshisekedi et les siens seront évalués au terme de leurs premiers cent jours.

Qu’est-ce qui bloque ? En tout cas, des indiscrétions recueillies dans la ville haute, il ressort que la formation du gouvernement achoppe sur la question de la nomination d’un informateur. Selon l’article 78 de la Constitution, celui-ci est censé identifier la majorité à l’Assemblée nationale. Une disposition constitutionnelle qui peine à se matérialiser eu égard aux diverses interprétations souvent contradictoires faites autour par les acteurs politiques, selon qu’ils sont de la nouvelle coalition au pouvoir, en l’occurrence le Cach, ou de l’ancienne majorité présidentielle. Chacun y va de son argumentaire pour juger de l'opportunité ou non d’appliquer cette disposition constitutionnelle. Au FCC, la plate-forme dont Joseph Kabila est l’autorité morale, on est formel : « la nomination d’un informateur n’est plus à l’ordre du jour dès lors que la majorité parlementaire est déjà connue ».

Pour l’heure, le FCC revendique trois-cent trente députés nationaux élus en attendant l’examen des contentieux électoraux en cours au niveau de la Cour constitutionnelle. Ce qui, d’après le coordonnateur de son comité stratégique, le place à ce jour comme « la plus grande force politique et la toute première de la République démocratique du Congo ».

Fort de ce contingent d'élus au niveau national et de près de huit cent trente-six au niveau provincial, le FCC est censé jouer les premiers rôles dans la sphère politique congolaise, se convainc Néhémie Mwilanya. Lui, comme d’autres de sa famille politique, estiment que les jeux sont faits et que le chef de l’Etat n’a qu’à nommer le Premier ministre dans les rangs du FCC, sans passer nécessairement par un informateur. « Le FCC a la majorité à l’Assemblée nationale. La question ne devrait pas faire débat. C’est une évidence. Le président de la République n’a qu’à le constater. Dans ces conditions, je ne vois pas l’opportunité de nommer un informateur, dans la mesure où la majorité obtenue par le FCC ne fait l’ombre d’aucun doute », avait récemment réfléchi, à haute et intelligible voix, un cadre du FCC.

Le Cach et l’UDPS font de la résistance   

Une approche qui a du mal à passer chez les pro Tshisekedi qui tiennent mordicus à la nomination d’un informateur pour autant qu’aucun parti ou regroupement politique n’a atteint la majorité dans la nouvelle Assemblée nationale. Aucun d’entre eux n'a dépassé le seuil légal, soit 250 +1, fait-on observer.

En tout cas à l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), l’on n’est pas prêt à donner un chèque en blanc au FCC dont le nom ne se retrouve dans aucun registre de partis et regroupements politiques légalement enregistrés au niveau du ministère de l’Intérieur. Bien plus, argumente-t-on, le FCC  ne figurait sur aucune liste électorale. Sa création, soutient-on, est antérieure à la publication des résultats aux législatives nationales et provinciales. « Au regard de la loi, c’est un regroupement politique qui n’existe pas. Le FCC, comme regroupement des regroupements politiques, est une entorse à la loi régissant les partis politiques en RDC », a déclaré, à ce propos, le président de l’Alliance pour l’alternance démocratique, Modeste Mutinga, qui ne comprend pas que cette coalition électorale puisse revendiquer la majorité à la chambre basse du parlement. Il a soutenu que seul un parti ou regroupement politique ayant atteint le nombre de deux cent cinquante plus un peut revendiquer la majorité à l’Assemblée nationale.

Or, à la lumière des résultats provisoires des législatives nationales, il est donné de constater que la majorité à l’Assemblée nationale n’existe pas. Aucun parti ou regroupement politique n’a, en effet, réuni les conditions requises par la loi. D’où le besoin de nommer un informateur pour justement rechercher cette majorité parlementaire.

D’autres analystes estiment que dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, cette majorité parlementaire ne peut être que la résultante d’une coalition de regroupements politiques présents à l’Assemblée nationale. « Que le FCC le constate, sans passer par la voie légale de l’informateur, est une aberration. C’est violer de bout en bout la Constitution », a lâché Modeste Mutinga.

Reste à savoir si Félix Tshisekedi se pliera au diktat du FCC qui l’a mis devant un fait accompli en revendiquant la majorité, ou s’il va chercher à s’affranchir de ce carcan en nommant un informateur chargé d’identifier la majorité parlementaire avec laquelle il va travailler. « S’il se laisse entraîner dans la voie du FCC, il aura non seulement violé la Constitution, mais surtout ouvert un différend fâcheux, car c’est la Constitution qui sera violée », a averti Modeste Mutinga.

Alain Diasso

Notification: 

Non