Chorégraphie : elles « dansent leur courroux » avec grâce, fougue et sensualité

Lundi 11 Mars 2019 - 18:30

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Au travers de leurs expressions corporelles et de leurs faciès, "Trois femmes en colère", pièce de danse éponyme extraite du texte de Valentin Pata Okende, ont présenté ces trois traits de caractères traduisant leur hargne exprimée du haut de la scène de la Grande Halle de l’Institut français (IF), la soirée du 8 mars.

 

Un extrait de la chorégraphie Trois femmes en colèrePure tragédie, la pièce de danse était à l’image de la représentation qui l’avait précédée sur le même podium d’à peine quelques minutes. Deuxième partie du diptyque "Trois femmes en colère" , cette œuvre inédite, on la doit au génie chorégraphique de Fabrice Mukala assisté par Lisette Mambu, tous deux professeurs à l’Institut national des arts. Même si le fait d’avoir vu en premier la version théâtrale a rendu plus aisée la compréhension de la chorégraphie du reste décryptée au travers d’elle, elle n’a pas entamé son capital émotionnel, bien au contraire.   

Finalement, les chorégraphes se sont révélées aussi bonnes joueuses, sinon meilleures joueuses que les comédiennes. Ces dernières, aidées par les mots, ont exprimé au mieux leur capacité à gérer une gent masculine dominatrice en apparence. Tandis que privées de l’usage de la parole, c’est avec leurs corps que les "Trois femmes en colère", peut-être devrait-on plutôt dire les trois danseuses en colère, ont parlé. Et, elles l’ont fait de trois façons, en esquissant des pas tantôt assises, tantôt debout.

Comment ne pas percevoir toute la grâce que la plus fine des trois et du reste au teint le plus clair a mis dans sa gestuelle ? D’apparence plus douce donc, elle semblait faire le pont entre deux extrêmes : sensualité et agressivité. La réplique de la concubine du pasteur, le costume porté par ce dernier dans la représentation qu’elle a mis sur son dos et sa Bible qu’elle a tenue à la main l’a laissé deviner. D’apparence moins coquine que ses congénères, c’est plutôt qui se révèle avoir l’esprit le plus mal tourné sachant jongler habilement entre deux hommes de Dieu. D’où son surnom Mme Abbé-Pasteur. Car, en effet, il en faut de la finesse, beaucoup même et de la subtilité pour rouler les deux à la fois.

Une chose et son contraire ?

Quant à la sensuelle, on le devine, fait commerce de son corps, tire son bénéfice d’un physique plus avantageux. C’est, d’ailleurs, la seule qui pousse le bouchon assez loin jusqu’à se dévêtir complètement la poitrine, quoique en ayant tourné le dos au public. Ce qui n’empêche nullement la vue de profil d’une partie de ses seins. Ce qui suscite de vifs commentaires du public. Elle a pour mise finale une mini-jupe bouffante assortie à un bandeau poitrine. Et donc, celle qui tire sa langue avec sensualité rappelle la secrétaire qui fait du gringue au PDG de son entreprise.

L’on pourrait comparer à une lionne plus qu’à une tigresse, la belle agressive aux cheveux courts aux pointes teintes or, les deux autres portent leur chevelure longue et les ramènent en chignon sur le haut de la tête et à la nuque. Agressive dans tous ses mouvements, elle exprime plus de rage que les autres. Les mimiques de son visage viennent en renfort à cette âme bagarreuse qui ne s’affiche pas par hasard avec un jean déchiré déboutonné à la fin du spectacle. Elle vaut bien la copine du président qui l’empoisonne après l’avoir fait grimper aux rideaux. Ce qui illustre les quelques phrases projetées les dernières minutes de la pièce, notamment : « Je n’ai pas de biceps mais j’ai fait tomber les hommes les plus forts de l’histoire ». Ou encore : « Tu veux te tailler la part du lion même quand on a chassé ensemble ».

Le coup de grâce a été assené par la musicienne. Confinée dans son rôle au départ : guitare à la main et assise devant un micro, chante juchée sur un petit podium sur la scène que se partagent les "Trois femmes en colère", elle termine face au public. Après avoir commencé ses invectives contre la gent masculine dans les coulisses, de la même manière qu’a débuté le spectacle de danse par des confidences des trois danseuses de leurs aventures respectives, elle l’achève sur un ton de reproche et courroucé. Elle dénonce les jugements à l’emporte-pièce des hommes qui attendent de la femme une chose et son contraire. On l’entend presque crier notamment  : « Si je dis oui, je suis facile. Si je suis sérieuse, je suis aigrie. Si je souris, je suis facile. Si je veux que l’on soit juste amis, l’amitié entre les deux sexes n’existe pas. Si je veux plus qu’une amitié, c’est que je n’ai rien compris ! Si je ne joue pas les allumeuses, je fais ma sainte nitouche, etc. »

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo : Un extrait de la chorégraphie "Trois femmes en colère"

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