Province du Katanga : un rapport sur la gestion des revenus infranationaux

Jeudi 25 Avril 2019 - 15:18

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Une étude menée par l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho), dans le contexte de l’expérimentation de la décentralisation en République démocratique du Congo (RDC), a porté sur le suivi de la collecte et la gestion des revenus.

Le document, intitulé « Défis de la transparence et redevabilité dans la gestion des revenus infranationaux dans la province du Katanga », a été rendu public, le 24 avril, à Kinshasa. Il a été réalisé avec le soutien de NRGI, dans le cadre de l’utilisation des données de rapports ITIE/RDC.

L'enquête s'est fondée sur les revenus infranationaux issus du secteur minier, dans la province du Katanga. Elle a porté spécifiquement sur la quotité de la redevance minière effectivement rétrocédée par le gouvernement central à la province, aux recettes perçues par entité administrative à titre de taxes sur la voirie et drainage ainsi que sur les produits miniers concentrés à l’exportation pour la période allant de 2010 à 2014. Cette étude, cependant, a été confrontée à la difficulté d’accès aux données et informations sur la question après le découpage de la province. Mais, rassure-t-elle, malgré cet obstacle, elle a pu, sur la base des données accessibles, examiné les mécanismes de gestion des revenus existants au Katanga pour comprendre ses préoccupations.

Dans ce rapport, l’Asadho a, en effet, admis que les investissements miniers réalisés dans la province, après l’adoption du code minier de 2002, ont généré beaucoup de recettes grâce à la création de taxes provinciales sur la voirie et les concentrés miniers à l’exportation collectés au niveau du Katanga et la quotité de la redevance minière rétrocédée par le gouvernement central à la province. Mais, cette ONG, membre du processus ITIE-RDC, a, par contre, relevé que l’affectation de ces revenus  ne cadre pas, dans la majorité des cas, avec les objectifs assignés par les textes qui les créent. Leur gestion, selon l'ONG, soulève plusieurs préoccupations en termes de transparence et de gouvernance.

Les ressources minières sont épuisables

L’Asadho, rappelant que ces recettes proviennent des ressources minières épuisables et non renouvelables, a également admis que ces ressources occupaient une place de choix en termes de la contribution au budget du Katanga. Mais aussi, elle a prévenu la province, tout comme toutes les autres provinces minières du pays, qu’elles ne peuvent pas compter éternellement sur ces recettes des ressources minières pour leur survie et investissements. « Leur caractère non durable appelle à la vigilance et responsabilité en vue d’une gestion transparente et durable à même d’assurer leur développement et les aider à préparer l’après mines. Les pratiques identifiées dans la gestion des flux financiers infranationaux en provenance du secteur minier, dans la province du Katanga, pour la période allant de 2010 à 2014, ne concernent pas uniquement cette province, elles peuvent être élargies à toutes les autres provinces minières de la RDC compte tenu du contexte du pays », a-t-elle  averti.

Un déficit de transparence dans la gestion

Au-delà des infrastructures identifiées et visibles dans la ville de Lubumbashi et dans d’autres centres urbains,  l'enquête a aussi relevé plusieurs défis liés à la gestion des flux infranationaux dans cette province, à savoir un déficit de transparence dans la gestion et l’affectation des ressources collectées par la province au titre des trois flux retenus par la présente étude.

Cette ONG de défense des droits de l’homme regrette que les mécanismes de transparence existants n’aient pas été mis à profit pour améliorer la gestion de ces flux du fait de la prééminence du politique sur l’administration provinciale. « Les services techniques qui interviennent en amont tout comme en aval pour garantir la transparence ont été ignorés », a expliqué l’Asadho. L’assemblée provinciale, qui dispose du pouvoir constitutionnel et légal pour encadrer et contrôler l’action du gouvernement provincial, a indiqué l'Asadho, n’a pas non plus joué ce rôle à la suite du clientélisme politique entre le gouvernement provincial et cette institution délibérative. Ainsi, de l’avis de cette organisation, les initiatives tendant à l’interpellation de membres du gouvernement sur cette gestion des flux infranationaux ont été étouffées et accompagnées des intimidations contre leurs auteurs allant jusqu’à exposer l’intégrité physique de ceux-ci, laissant libre cours à des pratiques non transparentes dans la gestion de ces flux.

Parmi ces pratiques décriées, l’Asadho a notamment épinglé la signature des contrats des marchés de réhabilitation et construction des infrastructures pour des montants très élevés, sans appel d’offres préalable comme exigée par la loi ; le conflit d’intérêts au niveau des bénéficiaires finaux de certains marchés importants, souvent politiques sans capacité ni technique ni financière. Il a également notifié l’utilisation des engins de génie civil appartenant à l’Etat et le personnel rémunéré par lui pour exécuter les marchés confiés aux privés. L’ONG a aussi épinglé l’absence de traçabilité et de vérification dans les préfinancements, par les entreprises minières, des entreprises de construction ainsi que la livraison des infrastructures non viables appelant à des nouveaux financements pour les mêmes routes, etc.

Par ailleurs, l'étude a aussi constaté le manque de redevabilité totale des gestionnaires de ces flux financiers vis-à-vis des représentants du peuple et de la population. Le manque d’informations sur ces revenus et l’inaccessibilité aux données relatives à leurs utilisations, explique l’association, n’ont pas favorisé le débat public pour permettre aux citoyens de demander de comptes.

Des leçons de l’expérience pour mieux faire

Tirant les leçons de l’expérience de la province du Katanga dans la gestion des revenus infranationaux issus du secteur minier de 2010 à 2014, en rapport avec les bonnes et mauvaises pratiques identifiées, l’Asadho exhorte l’Assemblée nationale à suppléer à l’absence ou insuffisance et inefficacité de contrôle dans la gestion des fonds affectés au fonctionnement de provinces par les gouvernements provinciaux et rétrocédés par le Gouvernement central;  à veiller au renforcement des capacités de gestion des revenus issus de l’exploitation des ressources minières par les institutions et administrations provinciales et des entités territoriales décentralisées. L’ONG attend également des élus du peuple, de veiller à ce que l’affectation des revenus découlant de la redevance minière par les provinces puisse être conforme aux objectifs visés par le législateur du code minier.

Le gouvernement central est appelé, lui, à exiger des gouvernements provinciaux la publication obligatoire, dans les sites web, des budgets des provinces pour promouvoir la participation et le contrôle citoyen. Aux assemblées provinciales, cette ONG recommande d’exercer effectivement les prérogatives qui leur sont dévolues par la Constitution et leur règlement intérieur, dans le vote du budget de la province ainsi que dans le contrôle de son exécution par le gouvernement provincial. Ces institutions provinciales ont également été appelées à exercer effectivement leur pouvoir de contrôle et de sanction pour décourager les actes de détournement des deniers publics, les conflits d’intérêts et l’enrichissement illicite dans la gestion des revenus infranationaux ; et de s’assurer que les recettes relatives aux taxes spécifiques répondent effectivement aux objectifs de leur instauration et que les personnes chargées de la collecte et de leur gestion restent redevables des faits de leur gestion.

Les gouvernements provinciaux ont été, de leur côté, exhortés à respecter les prévisions de plans de développement de leurs provinces respectives pour profiter effectivement des revenus issus du secteur minier afin d’assurer leur développement durable et préparer l’après mines….

Lucien Dianzenza

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