Activités portuaires : Boma se meurt

Jeudi 22 Août 2013 - 18:15

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La ville portuaire située à 220 km de Kinshasa, à l’ouest de Matadi, et actuellement au bord de l’asphyxie économique, a vu le nombre de chômeurs s’accroître sensiblement après la décision du gouvernement central d’interdire l’importation des véhicules d’occasion de plus de dix ans.

Le port de Boma, à l'ouest de MatadiPour l’exécutif national, cette mesure, entrée effectivement en vigueur le 17 juin  après deux moratoires de trois mois, devait théoriquement ouvrir la voie à un renouvellement de la charroie automobile du pays, vieillissante et responsable de la montée des accidents de route sur l’étendue du territoire national, notamment à Kinshasa. Au plus fort de l’entrée sans restrictions des véhicules d’occasion dans le pays via ses ports, l’on a observé l’exode des jeunes de Kinshasa vers Boma. Un navire pouvait décharger jusqu’à quatre cents véhicules d’occasion.

Avec l’exode, un phénomène a vu le jour et n’a cessé de prendre de l’ampleur : les « bilokos ». Il s’agit de la vente des produits importés de seconde main, notamment les pièces de rechange, les électroménagers et autres produits. Cela a permis de constituer une source de revenus pour la ville. Aujourd’hui, les jeunes sont en débandade et le phénomène en baisse d’intensité. Au-delà, l’on craint aussi les répercussions sur d’autres secteurs dont la restauration et l’hôtellerie. Un secteur comme le transport en commun dans un espace aussi accidenté que Matadi exige des véhicules solides, capables d’arpenter les pentes ardues de la ville de pierre. Si l’on pouvait acquérir un véhicule de plus dix ans solide à 6500 dollars américains, le coût d’un taxi de moins de dix ans risque simplement d’être hors de portée. À terme, cela se répercutera sur le tarif de la course.

Toute la configuration économique de la ville est en train de subir une mutation avec la baisse des activités portuaires dans ce port, deuxième en importance au Congo-Kinshasa. Boma approvisionne les importateurs du Bandundu et des deux Kasaï ainsi que Kinshasa. Les recettes du port où se réalisait l’essentiel des activités de dédouanement des véhicules d’occasion sont en chute libre. Les plus sceptiques pensent que la mesure n’a tout simplement pas été suffisamment mûrie, au regard des conséquences socio-économiques ressenties. Selon le secteur privé local, l’on a enregistré une baisse du rythme d’importation, et cela a une incidence négative sur l’économie du Bas-Congo. Beaucoup plus de jeunes sont envoyés au chômage, a-t-il reconnu. Et si rien n’est fait pour les orienter vers d’autres activités palliatives, c’est une bombe à retardement. Pour les importateurs, la mesure n’a pas bénéficié de l’accompagnement nécessaire, notamment une baisse des frais de dédouanement des véhicules de moins de dix ans.

Cette interdiction ampute le port des recettes générées par les frais de magasinage et transports. Réputé déjà comme un port « couteux », la tentation serait forte de réévaluer les factures pour minimiser le manque à gagner. Cette stratégie sera payante pour les ports voisins, principalement celui de Pointe-Noire. En effet, ce dernier offre les conditions idéales, avec la praticabilité de la route Pointe-Noire – Brazzaville et bientôt peut-être l’érection du pont route-rail entre Kinshasa et Brazzaville.

Cette mesure affecte tous les services opérant dans les installations portuaires dont la Direction générale des douanes et accises. Pour certains douaniers, les perturbations sont de courte durée et la situation finira par se normaliser. Cet optimisme est loin d’être partagé par leurs homologues de la Société commerciale des transports et des ports qui en paie actuellement le plus lourd tribut. 

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Le port de Boma à l’époque où un navire déchargeait jusqu’à quatre cents véhicules d'occasion